Florence Parly reste aux armées : l’irresponsabilité récompensée

La Vème République est fondée sur un principe : l’irresponsabilité du président de la République. Emmanuel Macron l’a exprimé avec une force inédite avec le fameux : « qu’ils viennent me chercher ! » Chacun comprend que cela signifie « Allez au diable ! » et que c’est un propos de mafieux plutôt que de chef d’État.

Depuis, l’irresponsabilité ruisselle : les ministres et les préfets répondent « j’assume » pour dire « cause toujours ! ».

L’incurie de la ministre des Armées Florence Parly est une des dernières manifestations de la généralisation du principe d’irresponsabilité qui gangrène la vie démocratique du pays.

Qui a laissé le covid entrer sur le Charles-de-Gaulle ?

Interrogée le 11 mai par la commission de la défense de l’Assemblée nationale sur la contamination par le covid-19 de plus de mille marins du porte-avions Charles-de-Gaulle, la ministre s’est entièrement défaussée sur le commandement militaire du groupe aéronaval. À l’entendre, c’est presque la fatalité qui a frappé le Charles-de-Gaulle, secondée par un relâchement inopportun des règles de prévention sanitaires à bord, à partir du 30 mars.

Pour le reste la ministre n’est responsable de rien, puisqu’elle n’a rien su, rien décidé  : ni l’existence d’un cas de covid-19 avant l’escale, ni celle de quatre autres pendant, ni les incohérentes règles de sécurité à l’escale, ni l’absence d’instructions au « pacha » en cas d’épidémie en mer, ni l’évacuation des marins les plus souffrants, décidée le 6 avril et qu’elle n’aura apprise que le 7.

Élégance suprême, la ministre se livre à un numéro de transparence tout en hypocrisie. Devant la gravité des faits, le résultat des enquêtes internes a certes été rendu public, mais après l’audition de la ministre et juste avant celle du chef d’état-major de la marine. Belle façon de s’éclipser et de mettre sur le grill un officier !

Pire encore, le texte rendu public n’est pas une enquête. C’est une synthèse de quatre pages qui élude toutes les questions qui fâchent. Elle fusionne les trois enquêtes réalisées par l’inspection des armées, l’inspection de la marine et l’inspection du service de santé des armées. Ce faisant, la ministre a décidé de cacher toute contradiction éventuelle entre les différentes versions. Avisée de ce problème lors d’une autre audition, Florence Parly considère désormais que la transparence n’est plus de mise.

La DGSE est-elle livrée à elle-même ?

Le 11 mai encore, on l’interroge sur les éventuels avertissements que le renseignement extérieur aurait pu lancer au sujet de la pandémie. Ils auraient permis de prendre des mesures appropriées. Là encore la ministre botte en touche : le suivi des épidémies n’est pas, d’après elle, de son ressort. Eh pourtant ! La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale publiée en 2017 sert de cadre global à la doctrine de défense du pays. Elle indique : « Le risque d’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou échappant à un laboratoire de confinement est réel. » N’était-ce donc pas la responsabilité de la ministre de s’assurer que cet avertissement se traduise dans les plans d’action des services placés sous sa tutelle ? Mise devant cette contradiction lors de l’audition du 4 juin, la ministre ne répond tout simplement pas.

La communication du ministère à la dérive

Quand enfin elle est interrogée au sujet du manque de transparence de son ministère, elle n’est guère plus éloquente. Le 8 mai dernier, l’association des journalistes de défense, réunissant 140 professionnels, publie une lettre ouverte de protestation contre toutes les entraves mises à l’exercice de leur métier : réponses retardées, sélections arbitraires et même menaces ! Mais pour la ministre, ces problèmes viennent des services de communication, elle n’est donc pas responsable. Quant au fait que le rapporteur général du budget de la défense n’obtienne plus de réponse aux questions qu’il adresse d’habitude au ministère, ce sont les règles du secret défense qui sont en cause, pas la ministre.

Quand brûle un sous-marin nucléaire

Le 12 juin, un incendie dévaste le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Perle . Un sixième d’une flotte qui part en fumée ! La ministre se rend sur place et annonce une enquête, rien de plus : fermez le ban ! Comment l’incendie a-t-il pu prendre alors que le sous-marin ne devrait jamais être vide ? L’enquête sera sans doute aussi aboutie que pour le Charles de Gaulle. La transparence sera aussi incontestable que sur l’origine des contaminations sur la base de Creil. Près d’un mois après l’incendie, la question de la responsabilité de l’avarie n’a en tout cas pas été posée ouvertement.

Qu’on se le dise madame Parly n’a rien eu à connaître de la contamination des militaires de Creil, des marins du Charles-de-Gaulle, des missions du renseignement, de l’incendie du SNA, de la communication de son ministère, de la liberté de la presse ni des droits du parlement. Par conséquent, il est tout à fait logique qu’elle soit reconduite à la tête du ministère des armées.

La crise du covid-19 a accéléré le processus de décomposition de la Vème République. Les ministres n’y sont plus tenus par aucun sens de leur responsabilité. Aucun ne se sent d’obligation à l’égard des citoyens puisque tous n’ont pour souverain juge que la volonté d’Emmanuel Macron. Le remaniement ministériel en apporte une nouvelle confirmation. C’est le caprice de l’occupant de l’Élysée qui fait et défait les ministres. Peu importent leur notoriété, leurs idées ou leur bilan. Seule l’avènement d’une VIème République permettra de remplacer ces usages de courtisans par la dignité de pratiques authentiquement républicaines.