Retards de livraison du vaccin : peut-on sanctionner Pfizer ?

La campagne de vaccination contre la Covid-19 en France patine aussi du fait de retards de livraison du vaccin. Des pays voisins comme l’Italie envisagent des recours contre de tels retards. La France veillera-t-elle aussi au respect du contrat de livraison ?

Revoir la question orale au gouvernement sur la campagne de vaccination.

Question écrite au gouvernement :

Monsieur Bastien Lachaud interroge M. Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, sur l’éventualité de recours juridiques contre les sociétés BioNtech et Pfizer, suite au retard de livraisons des doses de vaccin contre la Covid-19.

Le 11 novembre 2020, la Commission européenne a approuvé un contrat, avec l’entreprise pharmaceutique BioNTech-Pfizer, qui prévoit l’achat de plusieurs centaines de millions de doses de vaccin contre la Covid-19 pour le compte de l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Le 21 décembre suivant, la Commission européenne a accordé une autorisation de mise sur le marché au vaccin mis au point par BioNtech-Pfizer. La disponibilité de ce premier vaccin contre la Covid-19 a permis le lancement de la campagne de vaccination, à l’échelle européenne et nationale.

Le bon déroulement de cette campagne se trouve cependant affecté de façon croissante par des retards dans la livraison des doses sécurisées par l’UE, retards que BioNtech-Pfizer a annoncés de façon unilatérale et sans préavis, le Premier ministre, M. Jean Castex, reconnaissait ainsi ce 19/01/2021 que la France ne recevrait cette semaine que 320 000 doses au lieu des 520 000 initialement prévues. Les conséquences de ces retards sont importantes : dans le département de la Seine–Saint-Denis et dans les villes d’Aubervilliers et de Pantin, que représente M. Bastien Lachaud, le rythme de la campagne de vaccination se trouve en effet ralenti.

Les objectifs quotidiens et hebdomadaires de vaccination initialement prévus ne peuvent être atteints, les plages de rendez-vous sont bloquées pour plusieurs semaines. Le retard de livraison du vaccin remet de surcroît en question l’administration de la seconde dose, qui doit être injectée dans un délai de 21 à 28 jours avec la première. À côté de la France, plusieurs pays européens comme l’Allemagne et l’Italie connaissent présentement les mêmes difficultés. 

Face à ces conséquences graves, il appartient de prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter et limiter les retards de livraison. Dans ce contexte, le gouvernement italien a annoncé avoir adressé une réponse officielle à Pfizer Italie, demandant le rétablissement immédiat des quantités à distribuer. Rome a fait savoir sa volonté d’engager, si les retards de livraison venaient à se reproduire, des actions en justice contre Pfizer, devant toutes les juridictions civiles ou pénales compétentes. Le gouvernement italien a également fait connaître sa disponibilité à entreprendre dans le même sens des « actions coordonnées » à l’échelon européen, dès lors que les contrats conclus avec les entreprises pharmaceutiques l’ont été au niveau européen, par la Commission européenne.

Selon la presse italienne, les bases juridiques existent pour entreprendre de telles actions. Le contrat conclu avec Pfizer contiendrait la possibilité de pénalités en cas de retards de livraison continus pour une durée de trois mois. Ce même contrat stipulerait également l’obligation pour la firme de fournir les doses de façon homogène au niveau national, clause que Pfizer violerait en fournissant les régions italiennes à un rythme différent et soumis à des variations arbitraires, à la discrétion de l’entreprise.

À la lumière de ces faits, M. Bastien Lachaud souhaite connaître les éléments d’informations qui seraient aujourd’hui en possession du gouvernement quant à d’éventuels retards de livraison des doses de vaccin contre la COVID-19 sécurisées par la Commission européenne dans le cadre des accords qu’elle a conclus avec les entreprises pharmaceutiques.

M. Député souhaite également apprendre de M. le secrétaire l’État la position de la France quant aux démarches entreprises dans différents pays et à l’échelon européen pour enjoindre BioNtech-Pfizer à faire la transparence sur les livraisons de doses de vaccin contre la COVID-19 et sur d’éventuels retards, et contraindre l’entreprise à respecter ses engagements à fournir les quantités de vaccin nécessaires dans les délais prévus.

M. le député souhaite connaître la position de la France quant à l’éventualité de sanctions juridiques et/ou financières en cas de non-respect des engagements contractés par les entreprises pharmaceutiques.

Réponse publiée le 16/02/2021 :

Les contrats de pré-achat de vaccins qui lient la Commission européenne avec les laboratoires pharmaceutiques produisant des vaccins contre la Covid-19 comportent des calendriers détaillés de livraison des doses et des obligations précises dont le non-respect peut, comme pour tout contrat, conduire à des sanctions. A ce stade, cette option n’a pas été mise en œuvre car plutôt qu’un processus juridique qui comporte nécessairement des délais, il a été jugé plus efficace d’une part de faire toute la lumière sur les raisons de ces retards et d’autre part d’obtenir rapidement des engagements complémentaires de la part des laboratoires concernés.

Afin de répondre aux exigences de transparence sur les raisons des retards, la Commission a ainsi organisé des inspections des usines concernées, pour vérifier en particulier les problématiques matérielles liées aux chaînes de production qui ont pu être évoquées. Elle a par ailleurs mis en place, avec les Etats membres, un mécanisme de transparence et d’autorisation des exportations de vaccins qui permet non seulement de contrôler les futures exportations de vaccins mais aussi de faire la lumière sur les exportations réalisées depuis fin 2020.

Afin d’obtenir des engagements complémentaires de la part des laboratoires, la Commission européenne a fermement rappelé les obligations qui les liaient et organisé un dialogue rapproché pour trouver des solutions concrètes. Cette démarche européenne commune, fortement soutenue par le gouvernement français, permet d’obtenir des résultats. Ainsi, concernant plus particulièrement le contrat avec BioNTech-Pfizer, à la suite de l’annonce du laboratoire d’une réduction de la livraison de doses aux Européens, une réaction très vive et immédiate a été mise en œuvre par la Présidente de la Commission, avec le soutien de l’ensemble des Etats membres.

Cette réaction a permis de limiter la réduction des livraisons à une seule semaine, contre trois à quatre semaines évoquées par le laboratoire, et d’obtenir des engagements complémentaires tels que le respect des livraisons prévues sur le premier trimestre et l’accélération du rythme de livraison à partir de la mi-février. Le calendrier de livraison associé à la commande complémentaire de doses réalisée par l’Union européenne permettra par ailleurs de disposer de 75 millions de doses supplémentaires dès le deuxième trimestre 2021 et d’au moins 200 millions de doses supplémentaires en tout sur l’année 2021.

De même, pour le laboratoire AstraZeneca, la réaction européenne a permis de revenir sur une partie des baisses annoncées dans les livraisons, et les discussions se poursuivent afin d’assurer un plus grand respect du rythme initialement prévu. Cette forte réactivité de la Commission européenne, soutenue par le gouvernement français, favorise le bon déroulement de la campagne vaccinale en France, qui a dépassé en janvier les objectifs fixés puisque 1,5 million de personnes ont reçu une première dose contre un objectif initial de 1 million.

Par ailleurs, la sécurisation de l’administration de la seconde dose est une priorité absolue et la stratégie vaccinale française est mise en œuvre de façon à être toujours en mesure de réaliser cette seconde injection dans le délai imparti, qui demeure de 21 à 28 jours.

Image par torstensimon de Pixabay