Rentrée parlementaire : le crépuscule du macronisme a commencé

Je reviens sur les évènements des derniers jours et sur les enjeux de la semaine. Macron n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale. Il navigue à vue. Il n’hésite pas au besoin à avoir recours à de petits arrangements avec le Rassemblement National, contribuant un peu plus à la normalisation de l’extrême-droite. Face à ce système vermoulu et mortifère, la NUPES incarne la seule opposition populaire. La bataille commence, pour la censure du gouvernement Borne et pour une vraie loi pour faire face à l’urgence sociale.

À l’Assemblée nationale, la macronie est aux abois

Fini le temps où le Président pouvait traiter le parlement comme une chambre d’enregistrement ! Les 245 députés de la coalition présidentielle (soit 106 de moins qu’en 2017) ne lui permettent pas de disposer de la majorité absolue – une situation inédite dans l’histoire de la cinquième République ! Face à celle-ci, Macron paraît désorienté et ne cesse de tâtonner. Au cours des deux semaines qui se sont écoulées depuis le second tour des législatives, il a exploré toutes les pistes possibles pour tenter de constituer par des accords à la chambre « une Grande coalition » pour compenser la majorité qu’il n’a pas obtenu dans les urnes : appels du pied à LR, appels à l’« Union Nationale » de la droite jusqu’au Parti Communiste. Échec sur toute la ligne. A droite, personne n’est pressé d’embarquer sur le Titanic macroniste. A gauche, personne n’est dupe et les tentatives grossières de Macron pour fracturer la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale en isolant les insoumis ont fait long feu. Alors qu’Aurore Berger se prenait à rêver de l’entrée de Yannick Jadot au gouvernement, il n’en fut rien. Nul n’a intérêt à rallier Macron, puisqu’il ne changera de toute façon pas sa politique : il l’a dit clairement, et ses actes parlent pour lui : Dès lors, le monarque présidentiel se retrouve tout d’un coup bien seul. Face à cette situation de blocage, Macron n’a plus que deux voies possibles.

Borne refuse le vote de confiance et bafoue la démocratie

D’une part, se passer du parlement à chaque fois qu’il le peut : c’est ainsi que la Première ministre, Elisabeth Borne, confirmée dans ses fonctions par défaut, a l’intention de ne pas se soumettre au vote de confiance des parlementaires… de peur ne pas le remporter, faute de majorité.

Certains paraissent tentés de minimiser la gravité de ce geste, en évoquant des précédents. Avant Elisabeth Borne, quatre Premiers ministres ne se sont pas soumis au vote de confiance : Maurice Couve de Murville (1968-1969) ; Michel Rocard (1988-1991), Édith Cresson (1991-1992) et Pierre Bérégovoy (1992-1993). L’on ajoute encore que la constitution ne fait pas de ce vote une obligation. Reste que ces exemples sont anciens et minoritaires. L’importance du vote de confiance ne doit pas être sous-estimée. Refuser de s’y soumettre, c’est refuser de rendre compte de sa politique devant les parlementaires, représentants de la volonté populaire. C’est assumer de ne gouverner que par le fait du prince – la confiance du Président – et non par la volonté du peuple. C’est une étape de plus dans la dérive monarchique et autoritaire de la cinquième République macronienne. Comme le résultat des élections législatives ne convient pas au président…il contourne l’Assemblée !

En 2005, déjà le Peuple avait voté contre la Constitution européenne et le Parlement avait inversé cette décision. Cette brutale rupture démocratique est le point de départ de la crise institutionnelle que nous connaissons actuellement avec notamment une abstention galopante. Il est impossible de maltraiter la démocratie sans que des conséquences importantes n’en découlent. Il en va de même aujourd’hui.

Entre LREM et le RN, petits arrangements entre amis

Mais Macron et Borne ne pourront pas tenir cinq ans sans les parlementaires. Il leur reste donc une seconde voie : s’appuyer sur des majorités de circonstance, constituées pour l’occasion à chaque vote. Pour constituer ces majorités de circonstance, les macronistes n’hésiteront pas à aller chercher les voix ou l’abstention bienveillante des députés du Rassemblement National. Plusieurs des porte-parole de LREM l’ont dit ouvertement dès le soir du second tour des législatives. Et ils l’ont fait, dès cette première semaine de rentrée parlementaire : à l’occasion des votes visant à désigner les vice-présidents et les questeurs de l’Assemblée Nationale, le groupe macroniste a passé un accord avec le RN et la droite. En échange du retrait du candidat RN à la présidence de l’assemblée, qui facilitait l’élection de la macroniste Yael Braun-Pivet, les députés LREM ont voté pour deux candidats d’extrême-droite à la vice-présidence. Rebelote lors du vote pour l’élection des trois questeurs : LREM et LR ont présenté un bulletin commun, se partageant les places, pour mieux exclure la NUPES, au nom de laquelle j’étais candidat, et qui aurait normalement dû obtenir cette fonction qui revient traditionnellement à la principale force d’opposition. Macron et Le Pen ont beau le nier : ils sont complices, et n’hésitent pas à s’arranger entre eux.

Macron est le fourrier de l’extrême-droite

Une étape supplémentaire est ainsi franchie dans la normalisation de l’extrême-droite. Il y a eu cinq ans de mandat durant lesquels Macron a largement repris à son compte les thèses de l’extrême-droite, pour mieux installer Marine Le Pen au centre du jeu politique et l’affronter au deuxième tour de l’élection présidentielle afin d’être réélu. Il y a eu les élections législatives, où LREM avait refusé de choisir au second tour entre le RN et la NUPES dans près de 55 circonscriptions, offrant ainsi un grand nombre de victoires et de sièges à l’extrême-droite. Il y a à présent l’Assemblée nationale, où les macronistes sont allés jusqu’à faire la courte échelle aux députés du RN pour leur permettre de s’installer au cœur des institutions. Il faut prendre la juste mesure de la gravité de cette situation, loin des discours qui la banalisent en évoquant une simple affaire de répartition des places à l’Assemblée : le front républicain est définitivement enterré, et l’extrême-droite est érigée en interlocuteur légitime voire en partenaire de la majorité présidentielle. Seuls coupables de ce glissement dangereux : Emmanuel Macron et son camp. Ils en assumeront la responsabilité politique et morale devant le peuple et devant l’histoire.

La NUPES est la seule opposition populaire

Cette situation inédite a le mérite de permettre une clarification politique. La NUPES est la seule opposition populaire. La seule qui ne s’arrange pas avec Macron. La seule qui ne partage pas son programme libéral au service de l’oligarchie. La seule qui propose une vision alternative et un programme de rupture, pour changer la vie des gens et faire la bifurcation écologique. Nous avons renforcé nos bases à l’Assemblée nationale, en constituant un intergroupe parlementaire qui permettra à insoumis, socialistes, écologistes et communistes de coordonner leurs positions. Et nous allons entrer en action dès cette semaine. Ce mardi 5 juillet, le groupe LFI-NUPES dépose une motion de défiance contre le gouvernement d’Elisabeth Borne. Et l’ensemble des groupes de la NUPES déposent ensemble une proposition de loi visant à répondre à l’urgence sociale, en augmentant les salaires, en instaurant une garantie d’autonomie de 1100 euros par personne, en revalorisant un certain nombre de prestations sociales, en bloquant les prix des produits de première nécessité et de l’énergie et en encadrant les loyers. La bataille sera rude, mais nous pouvons la gagner. Le crépuscule du macronisme a commencé. Bientôt poindra l’aube du peuple !