L’Etat consacre plus de moyens aux élèves suivant un cursus en lycée privé à Paris qu’aux élèves en lycée public. Pourtant, les élèves scolarisés dans le privé sont en moyenne issus de familles plus favorisés que ceux scolarisés dans le public.
Le but de ces lycées privés ? avoir un taux de réussite au bac attractif dans un contexte d’hyper concurrence entre les établissements. Cela se fait au détriment des élèves scolarisés dans le public, et des lycées plus défavorisés, qui devraient recevoir plus de moyens.
Question écrite au gouvernement, posée le 14/02/2023 :
M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’éducation nationale sur les inégalités de moyens attribués en faveur de l’enseignement privé au détriment de l’enseignement public. Ils disposent notamment de plus d’heures d’enseignement rapportées au nombre d’élève, par rapport au public en filière générale.
En effet, une enquête de presse a montré que, dans les lycées parisiens pour l’année scolaire 2021-2022, les lycées privés sous contrat ont pu bénéficier de davantage de moyens que les lycées publics, à effectifs et à composition sociale équivalente.
Le ratio d’heures enseignements hebdomadaire par élève (H/E) permet de mesurer les conditions d’apprentissage des élèves. Plus il est élevé, plus ces conditions sont favorables. En moyenne en 2021, les lycées publics ont un H/E de 1,1, alors que ce taux s’élève à 1,27 dans le privé. Cet écart se traduit par 85h de décalage moyen, ce qui est considérable. Ces heures supplémentaires permettent de dédoubler des cours, de proposer des options supplémentaires, voire d’ouvrir des classes pour alléger les effectifs.
Cet écart peut s’expliquer en partie par la taille des établissements, puisque plus l’établissement est petit, plus ce ratio augmente mécaniquement. Mais même à effectifs comparables, le ratio reste nettement en faveur du privé.
En effet, chaque classe donne le droit à un certain nombre d’heures, mais souvent, elles sont plus nombreuses dans le privé que dans le public, ce qui permet des effectifs par classe moins chargés. Cela permet aussi, à effectif total égal, d’avoir plus d’heures. Ainsi, la moyenne d’élève par classe dans les lycées privés est de 29,7, et de 34,2 dans le public. De même, dans le privé il y a 4% de classes à plus de 35 élèves, alors que c’est 35% dans le public.
Un autre biais intervient avec l’indice de position sociale (IPS) qui montre le profil social des élèves fréquentant l’établissement. Plus l’indice est élevé, plus les élèves sont issus d’un milieu favorisé. Or, dans le public, les lycées défavorisés sont davantage dotés. Pourtant, ces lycées défavorisés, et surdotés restent derrière en termes de H/E que de nombreux lycées privés très privilégiés.
Cet état de fait s’explique par une dérogation dans le mode de gestion qu’a le privé par rapport au public, des moyens qui lui sont alloués. En effet, le budget de l’Etat attribue une enveloppe au primaire et au secondaire, qui ne peut pas être transférée d’un niveau à l’autre, de façon à avoir une politique cohérente avec les orientations décidées. Or, le privé a une enveloppe globale. Cela lui permet de privilégier ses lycées, dans une logique élitiste, en prenant des moyens sur le collège et le primaire. Ainsi, les établissements privés peuvent avoir une logique à rebours de la politique nationale, dans le but de favoriser davantage ses lycées prestigieux, surtout dans un contexte où la concurrence scolaire est accrue.
Ainsi, conclut l’enquête les lycées privés sont plus favorisés parmi les établissements parisiens déjà favorisés : ils ont une population plus homogène, et moins de boursiers, et sont mieux dotés.
S’ensuivent des inégalités scolaires d’autant plus marquées : les lycées privés choisissent leurs élèves, contrairement au public, et attirent les élèves des familles plus favorisées. Ils écrèment leurs effectifs au long de la scolarité, dans l’objectif de pouvoir afficher des résultats d’excellence, qui leur servent dans un contexte de concurrence accrue des établissements entre eux. Or, ce double système, où le public finance néanmoins 73% des établissements privés, aggrave la ségrégation scolaire au détriment du public.
Alors que l’enseignement public fait porter l’effort sur la mixité sociale et l’égalité de traitement des élèves, l’enseignement privé sous contrat poursuit une logique d’élitisme et de performance. Cette stratégie mise en œuvre par les établissements privés a également pour effet de siphonner les meilleurs élèves du public, et affaiblir encore les efforts de mixité de ces derniers. En effet, ils participent à des stratégies d’évitement scolaire du public, vers le privé. Aussi, tous les efforts de mixité menés par le public, donc contrecarrés par les efforts contraires de l’enseignement privé.
Aussi, M. Bastien Lachaud souhaite-il apprendre de M. le Ministre quelles mesures il compte prendre afin que l’enseignement privé soit contraint de participer à la mixité scolaire et sociale, afin de mettre un terme à la ségrégation scolaire et aux inégalités de traitement qui perdurent entre les élèves. Il souhaite donc savoir ce qu’il compte faire pour que les lycées les plus défavorisés aient effectivement plus de moyens que les lycées plus favorisés, fussent-ils privés. Plus largement, il souhaite savoir quand enfin les financements publics seront entièrement affectés à l’enseignement public.