FONDATION WHITAKER A AUBERVILLIERS : NOUS NE POUVONS PAS NOUS SATISFAIRE

Ce mercredi 17 mai, le ministre du logement, Olivier Klein, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, et la maire d’Aubervilliers, Karine Franclet, participaient à l’inauguration du centre de formation de la fondation Whitaker (Whitaker Peace & Development Initiative ou WPDI) à Aubervilliers. Le journal « Le Parisien 93 » a déroulé le tapis rouge à la fondation à travers une promotion effrénée : pas moins de quatre articles le même jour consacré à « l’acteur bienfaiteur de la jeunesse en Seine-Saint-Denis. »

Pourquoi douter aujourd’hui de la sincérité et des bonnes intentions de la Fondation Whitaker ? Offrir gratuitement des cours de perfectionnement en informatique, en gestion des conflits, un accompagnement au développement de projets entrepreneuriaux, en particulier pour les femmes. Comment ne pas s’en réjouir ? Des dizaines de personnes, de jeunes, d’Aubervilliers et plus largement, des quartiers et des villes populaires de notre département et de toute l’Île-de-France, placent leurs espoirs dans ces formations. Comment ne pas les comprendre ? Et si ces formations leurs permettent de s’insérer, de se réaliser, de s’émanciper, comment ne pas y voir une bonne nouvelle ?

Et pourtant, on ne peut que ressentir un malaise. Pour Aubervilliers. Pour la Seine-Saint-Denis. Pour la France. Avons-nous besoin d’attirer une ONG venue des Etats-Unis et financée par des entreprises privées pour donner une formation et de l’espoir à notre jeunesse ? Pourquoi notre pays ne donne-t-il plus à sa jeunesse populaire les moyens de se construire l’avenir qu’elle désire ?

On ne connait que trop bien la réponse à ces questions. Les inégalités sociales et territoriales se sont creusées, à tous les niveaux : salaires, accès à un logement décent, au transport, aux services publics, à l’éducation, à l’enseignement supérieur. S’y ajoutent les discriminations et le racisme structurel qui pèsent lourdement sur celles et ceux qui n’ont pas la « bonne » couleur de peau, la « bonne » religion, le « bon » nom de famille. Notre département est le plus violemment touché par cette logique mortifère. Et on ne connait que trop bien les responsables. Les politiques des années Chirac, Sarkozy, Hollande et maintenant Macron. Voilà ce que plus de deux décennies infâmes ans de politiques de casse sociale et de destruction de l’État ont fait aux villes populaires, à notre département, à notre pays. L’ascenseur social était cassé ; à présent, il descend bien souvent vers le bas. Et là où l’on détruit les mécanismes publics de solidarité, les fondations privées se présentent comme la solution.

Pour n’évoquer que le domaine de l’éducation, puisque c’est là qu’agit la fondation Whitaker. Les établissements de notre département sont en mauvais état, les classes sont surchargées, les enseignants ne sont pas remplacés, les personnels de vie scolaire et médico-sociaux manquent partout, les réformes du collège, du lycée et maintenant du lycée professionnel, Parcoursup, ferment les meilleures filières à la plupart des enfants des milieux populaires. Coïncidence : ce mardi, alors que la presse parlait de l’ouverture du « centre de formation » de la fondation Whitaker à Aubervilliers, les personnels du lycée Henri Wallon étaient en grève devant le rectorat de Créteil. Du fait de la baisse de dotation de l’établissement, les classes de 1ère et de terminales y passent de 30 à 35 élèves. Comment ces jeunes pourraient-ils étudier dans de bonnes conditions ? Mais voilà que la fondation Whitaker s’installe, quelques chanceux pourront être formés ! Et comme les fondations sont financées par les dons émanant très largement des grandes entreprises, dons qui sont…défiscalisés bien sûr, cela fait moins d’argent dans les caisses de l’État, et des services publics encore plus appauvris. La boucle est bouclée !

D’un côté, on appauvrit la société et on clochardise la puissance publique. De l’autre, on applaudit une fondation qui s’installe pour la remplacer. D’un côté on détruit le service public. De l’autre, il n’y aurait qu’une fondation privée pour la remplacer. Personne ne sera étonné de voir un ministre macroniste et une maire de droite approuver cette logique. Mais aucun homme ou femme de gauche ne peut s’y retrouver.

Bien sûr, nous nous réjouirons pour celles et ceux qui pourront être aidés, se former, progresser, avoir des opportunités.

Mais jamais nous ne nous en satisferons. Être insoumis, c’est refuser cette spirale destructrice ou le privé remplace le public. Être insoumis c’est vouloir une politique volontaire pour nos villes populaires et leurs habitants, le partage des richesses et des moyens publics. Être insoumis c’est vouloir un État social qui protège et qui garantit le droit de toutes et tous à une vie décente et un avenir meilleur. Être insoumis, c’est vouloir l’égalité pour tous, et non la charité pour quelques-uns ; la République, et non les fondations privées. Nous n’abandonnerons jamais ce combat.