Délocalisations, gilets jaunes, climat, Europe – rassembler ce qui a été séparé

La semaine qui vient promet d’être particulièrement dense. Elle sera marquée à l’Assemblée nationale par le débat sur les privatisations d’Aéroports de Paris et de la Française des Jeux, dans le cadre de la loi PACTE.

Dans la rue, ce sera la grande manifestation pour le climat du samedi 16 mars à laquelle bien sûr la France insoumise participera.

Tout cela aura lieu sur fond de campagne européenne, qui commence enfin à démarrer : j’y reviens à la fin de ce post.

Industrie : la scandaleuse braderie continue

La mise à sac de l’industrie du pays est avancée. Elle est à l’œuvre depuis des années. Elle est terrifiante pour trois raisons. Elle se traduit par le désastre social du chômage de masse qui décime des familles, des villes, des régions entières. Elle porte atteinte à la souveraineté du pays tout entier, obligé de recourir de plus en plus à des producteurs étrangers sur lesquels il n’a plus aucune emprise. Enfin, la baisse du niveau de savoir-faire technique empêche de faire la planification écologique indispensable si l’on veut éviter la catastrophe humaine que le dérèglement climatique nous promet.

Dans ces conditions, il est évident que le gouvernement devrait avoir pour priorité absolue de défendre et même renforcer le secteur industriel.

Le besoin est si évident et urgent qu’il finit par le proclamer lui-même. Mais les faits sont têtus, et tous les signes de la débâcle sont là. La liste des entreprises en passe d’être rachetée, liquidée ou démembrée s’allonge : dans la papèterie ArjoWiggins, dans les télécommunications Nokia, dans l’énergie General Electric et les anciens sites d’Alstom, dans la métallurgie ce sont les Fonderies du Poitou… à chaque fois, le même scénario, les emplois sont sacrifiés pour maintenir la profitabilité et le niveau de dividende. À chaque fois, le gouvernement brasse de l’air : découvre-t-il le problème ? Fait-il semblant ? Difficile à dire : l’incompétence le dispute à la mauvaise foi.

D’autant que la seule chose certaine et constante c’est l’obstination du gouvernement à détruire ce qui existe. L’an dernier, c’est la SNCF qui a fait les frais de cette frénésie de saccage. Cette année, il prévoit de régler leur compte à Engie (ancien Gaz de France), Aéroports de Paris et la Française des Jeux (FDJ). Les mots manquent pour qualifier de telles décisions : sottises, mensonges, ignominies, dogmatisme. Il y a de tout cela.

Rappelons pour commencer que lors du débat sur la privatisation de la SNCF, nous disions qu’elle connaîtrait le même sort que Gaz de France : une privatisation en catimini. On nous jurait le contraire. À présent, la privatisation d’Engie est à l’ordre du jour.

Aujourd’hui, nous affirmons que la privatisation d’Aéroports de Paris sera aussi néfaste que celle des autoroutes et le gouvernement n’a pas d’argument contre. Une infrastructure de ce genre ne peut pas être confiée au privé sans que les coûts pour les usagers n’explosent. En outre, il faut se rappeler que les aéroports de Paris, dont Roissy, sont la plus dense zone frontalière de notre pays : et nous confierions l’administration à un groupe privé ? Rappelons enfin que le groupe ADP a des résultats économiques tout à fait bénéficiaires : l’Etat récolte donc de l’argent qu’il n’a donc pas à prélever en impôts. Pourquoi se passer de cette ressource ?

Le même argument vaut en particulier pour la privatisation de la Française des Jeux : le bénéficie que récolte l’Etat avec la FDJ, ce sont autant d’impôts qu’il n’est pas nécessaire de prélever. Du coup, la privatisation se soldera nécessairement soit par une hausse d’impôts, soit par une diminution de service public. Dernier argument : la santé publique. Tout le monde sait que les jeux de hasard peuvent faire l’objet d’addiction. Être drogué aux jeux, cela arrive et c’est un grave problème contre lequel la société a intérêt à organiser la prévention. Il est possible d’inciter les joueurs à ne pas jouer parce que l’Etat n’a pas pour objectif de faire du profit. Imaginons au contraire que la FDJ soit une entreprise comme les autres : alors tous les moyens seront bons pour inciter à jouer le plus souvent possible, le plus grand nombre possible. Non content d’avoir été privé d’une ressource, l’Etat devra même dépenser davantage pour aider les victimes des tous les dégâts sociaux que l’addiction au jeu aura produits.

Tout cela le gouvernement le sait : nous le répétons inlassablement en commission à l’Assemblée, sur les plateaux de télévision et nous le redirons cette semaine dans l’hémicycle. Comme toujours, seul un véritable rapport de force permettrait d’empêcher cette gabegie honteuse des privatisations.

Le 16 mars – mobilisation pour le climat

Cette nécessité du rapport de forces et de la pression populaire, les organisateurs de la marche du 16 mars pour le climat l’ont bien comprises.

Elle arrive alors que le mouvement lycéen sur le sujet atteint une ampleur inédite en Europe. L’initiative prise par la jeune Greta Thunberg arrive alors que les dernières données sur le dérèglement climatique sont extrêmement alarmantes. Ces dernières semaines, ce sont des vagues de chaleur sur les océans qui inquiètent. D’une manière générale, la situation des océans est critique, comme l’a encore une fois démontré l’association WWF en évoquant la pollution au plastique. Mais il y a bien d’autres maux encore. L’acidification des eaux fait dépérir les espèces. Le réchauffement de leur environnement en change les habitudes, il en change même le sexe ! Les tortues, par exemple, pondent leurs œufs dans le sable. En fonction de sa place, l’œuf est plus ou moins au chaud : c’est ce critère qui va définir le sexe du futur animal. Or le sable, plus chaud conduit à ne faire éclore que des mâles… à terme bien sûr, les espèces disparaîtront.

Autre grave problème : les fonds sous-marins contiennent d’immenses réserves de gaz emprisonnés par des sédiments que le réchauffement des eaux fait fondre… Bientôt ces immenses réserves de gaz pourraient remonter dans l’atmosphère et encore nourrir le processus de dérèglement climatique. La gravité du problème devrait mobiliser la société toute entière sans relâche. C’est ce que rappelleront les marches organisées partout en France le 16 mars !

Jadot et Durand choisissent le capitalisme « vert »

Par chance, elles auront lieu le même jour que les manifestations des gilets jaunes. C’est l’occasion pour les deux mouvements de fonds qui animent la société de se rejoindre. Leurs revendications sont urgentes et égalitaires. Commencé par le refus d’une taxe de plus sur le diesel, le mouvement des gilets jaunes a montré très tôt qu’il était tout à fait sensible à la question écologique.

De fait, la transformation radicale de la société qui est indispensable ne pourra pas se faire si l’écologie n’implique pas une lutte acharnée contre le productivisme, le libre-échange ou l’inégalité fiscale. À cet égard, lire que Yannick Jadot, candidat d’EELV aux européennes, veut défendre une « écologie de marché » est une terrible régression intellectuelle. Quant au fait que Pascal Durand, l’ancien secrétaire d’EELV, veuille figurer sur la liste européenne de LREM, il suscite la consternation.

Mais ces deux prises de position sont aussi des opportunités : elles clarifient le débat public d’une manière décisive pour celles et ceux qui mettront l’écologie au cœur de leurs préoccupations, lors de l’élection européenne du 26 mai prochain. Pour reprendre le pouvoir à la finance, pour défendre l’idée d’une Europe des peuples purgée du lobby des pollueurs en tout genre, la liste de la France insoumise, conduite par Manon Aubry, sera la seule.

La lubie européenne de Macron

D’autant qu’Emmanuel Macron s’est chargé, malgré lui, d’opérer une clarification de même nature avec sa lettre parue dans la presse européenne.

En Europe, cette espèce de profession de foi a suscité l’approbation de Viktor Orban. Il était trop heureux de voir son obsession anti-immigrés reprise par son prétendu adversaire Emmanuel Macron ! En revanche, les autres réactions sont restées polies et un peu embarrassées par l’exaltation forcée qu’on percevait dans le texte.

À Athènes, à la Sorbonne, Emmanuel Macron avait déjà fait le coup du « grand discours européen » : à chaque fois, il a essuyé une fin de non-recevoir. Encore une fois, il allait vers une déconvenue. Pourquoi ? Parce que sa grande idée, c’est la « souveraineté européenne » et qu’elle est une chimère. À cela, il y a une raison de principe : la souveraineté, c’est l’attribut d’un peuple. Or il n’y a pas un seul peuple européen ; ils sont plusieurs. Donc l’idée de souveraineté européenne est un non-sens. L’idée est d’autant plus saugrenue aux yeux de tou·te·s les européen·ne·s qu’Emmanuel Macron n’est pour personne un grand défenseur de la souveraineté populaire. La répression des gilets jaunes, le refus du référendum d’initiative citoyenne, son habitude de parler avec simplisme et mépris de tout ce qui est en désaccord avec lui, ses liens évidents avec les puissances de l’argent, rien n’incite à le croire quand il prétend se mettre au service d’une quelconque démocratie.

En Marche toujours plus vers l’Europe allemande ?

Enfin cette idole de la « souveraineté européenne » est surtout une mauvaise idée puisque personne en Europe n’est prêt à la défendre sincèrement. Elle ne pourrait être, dans le « meilleur » des cas, qu’une façon pour l’Allemagne d’asseoir encore davantage sa domination sur l’Union européenne.

C’est ce que la successeure d’Angela Merkel à la tête de la CDU a explicitement indiqué en répondant à Emmanuel Macron en suggérant notamment que la France renonce au profit de l’Union européenne à son siège au conseil de sécurité à l’ONU ou encore participe à la création d’un porte-avions européen. En somme, la France est priée de se dessaisir des instruments de son influence au profit du « collectif » européen. Le marché de dupes est énorme. Macron y cédera-t-il ? On voudrait croire que non, mais sacrifier les intérêts de son pays seulement pour paraître faire quelque chose plutôt que rien, cela a beaucoup d’attrait pour un président acculé comme Emmanuel Macron.

Une autre solution existe pourtant : mobiliser les peuples européens eux-mêmes autour des grandes causes qui transcendent les intérêts nationaux : la sauvegarde de l’environnement, la lutte contre la pauvreté, la paix.