Réunion publique « Comment mieux respirer à Aubervilliers ? »

Mardi 18 juin 2019 à Aubervilliers, Bastien Lachaud intervenait à l’invitation de la Maire, Meriem Derkaoui, dans le cadre d’une réunion publique organisée par la municipalité autour du thème « Comment mieux respirer à Aubervilliers ? ». La réunion fut l’occasion de nombreux échanges avec habitant·e·s autour des questions écologiques.

Retrouvez ci-dessous un résumé de son intervention :


« Comment mieux respirer à Aubervilliers ? » Le hasard fait bien les choses. La date de la réunion de ce soir est particulièrement opportune pour évoquer cette question. Car la journée d’aujourd’hui est emblématique des défis auxquels nous sommes confrontés. En cette journée de grande chaleur, l’air était pesant dans les rues d’Aubervilliers, imprégné des gaz d’échappement. A l’Assemblée Nationale, la Loi mobilités était soumise au vote. Une loi qui aurait pu représenter une opportunité unique pour sortir enfin des carburants fossiles, diesel et essence, et donner la priorité aux modes de transport les moins polluants. Une loi qui, en vérité, ne règle aucun des grands enjeux climatiques, sanitaires et sociaux qui sont devant nous. Toutes les ONG environnementales le disent.

Le parallélisme des deux évènements dit tout : D’une part, il y a urgence. Nous le savons, nous le vivons, le sentons, le respirons chaque jour. D’autre part, les solutions proposées par le pouvoir actuel ne sont – au mieux – que des demi-mesures. Elles ne sont pas à la hauteur. Mais il y a une issue à cette impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Cette issue, elle est dans notre action à toutes et tous : l’action des élus, des associations, des citoyens et citoyennes, pour mener la transition écologique, et la mener pour toutes et tous, en évitant que les villes et les quartiers populaires comme Aubervilliers ne soient – encore une fois ! – les oubliés de la politique.

Permettez-moi de revenir à présent un peu plus en détail sur chacun de ces trois points : l’urgence à laquelle nous sommes confrontés, les mesures qui sont mises en œuvre, les luttes à mener pour prendre la situation à bras le corps.


L’urgence environnementale et sanitaire est là. Toutes les organisations tirent le signal d’alarme. Les seuils réglementaires et les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé en matière de qualité de l’air sont régulièrement dépassés. En 2009 et 2013, la Commission Européenne a adressé des mises en demeures à la France pour dépassement des seuils maximaux de concentration de particules. En 2018, la Commission a saisi la Cour de justice de l’Union Européenne d’un recours contre la France pour dépassement des valeurs limites de dioxyde d’azote dans l’atmosphère. En région parisienne, l’agence régionale Airparif estime que le seuil réglementaire est parfois dépassé de plus du double.

Le bilan sanitaire est lourd. La pollution de l’air entraine des pathologies pulmonaires, notamment chez les enfants – l’asthme – et des troubles cardiovasculaires chez les adultes. Autant de vies meurtries par des pathologies chroniques. Et de vies brisées. On estime le nombre de décès causés chaque année par la pollution à 48 000 à l’échelle de la France ; 5000 en Île-de-France. Ces chiffres font de la pollution la troisième cause de décès derrière le tabac et l’alcool.

Cette situation, les albertivillariens la vivent au quotidien. Ils la vivent et surtout la subissent. Car, si seuls 40% des habitants possèdent un véhicule, la ville est un axe de transit continu vers Paris. Quel meilleur témoignage de cela que les troubles permanents de la circulation aux Quatre Chemins, que les poids lourds que l’on voit passer dans les rues.


Face à cette urgence, le politique se doit d’agir et d’être à la hauteur. En 2017, le Conseil d’État a d’ailleurs enjoint le gouvernement de mettre en œuvre un plan d’urgence relatif à la qualité de l’air.
Or ce que nous constatons depuis maintenant deux ans, à l’Assemblée Nationale comme dans nos villes, c’est que M. Macron et son gouvernement ne sont précisément pas à la hauteur.

La rhétorique est ronflante. Et les intentions apparemment louables. « L’ambition écologique sera au cœur de l’Acte 2 du quinquennat » disait encore la semaine dernière le Premier Ministre à l’Assemblée Nationale. Mais les actes ne suivent pas les paroles. Quelle meilleure illustration de cela que la démission du Ministre de l’environnement Nicolas Hulot, qui constatait l’impossibilité d’agir sérieusement dans le cadre posé par M. Macron ? Quelle meilleure illustration de cela que le mouvement des Gilets Jaunes, né de la colère légitime contre la hausse des taxes sur les carburants décidée par le pouvoir, tandis que celui-ci multipliait simultanément les cadeaux fiscaux aux plus riches ? Ces évènements sont emblématiques.

Prisonnier de l’idéologie libérale, qui fait passer le profit avant l’environnement, l’argent des actionnaires avant la santé des citoyens, M. Macron refuse de traiter à la racine la question écologique. Pire, sa politique aggrave la crise. Il se fait le serviteur zélé des grandes fortunes et des multinationales, alors que ces 100 plus grandes entreprises mondiales sont responsables de plus de la moitié des émissions mondiales de carbone. Il soutient les accords de libre-échange, là où l’on sait que la production et le transport international des marchandises et leur production représentent la plus grande part des émissions globales des énergies fossiles. Il détruit les infrastructures de transport, qui permettraient pourtant de réduire ces émissions : il privatise la SNCF, et demain la RATP.
Mais il veut faire payer aux plus modestes – qui eux, n’échappent pas à l’impôt et sont contraints de se déplacer en voiture – la facture de la transition écologique.

Terrible injustice : les très riches émettent 40 fois plus de carbone que les pauvres, mais la fiscalité carbone pèse cinq fois plus sur le budget des 10 % les plus pauvres que sur celui des 10 % les plus riches ! Et échec prévisible : si l’écologie ne va pas de pair avec la justice sociale, la population s’en détournera.

La situation à laquelle est confrontée aujourd’hui Aubervilliers reflète directement ces enjeux, avec la mise en place annoncée d’une Zone à Faible Émission dans le cadre de la Métropole du Grand Paris, entre le périphérique et l’A86.

Comment ne serait-on pas d’accord, sur le principe, avec une mesure qui promet de restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, et de permettre à toutes et tous de vivre dans un environnement plus sain ? C’est évidemment à raison que la municipalité s’est dite favorable au principe de ce dispositif. Mais encore faut-il que l’État, la Métropole, la Région accordent les moyens nécessaires pour aider toutes et tous à réaliser la transition ! Or, les aides au remplacement des véhicules annoncées jusqu’ici ne sont pas suffisantes : Malgré le cumul des primes à la conversion, un ménage non imposable aurait encore 7500 euros à dépenser pour acheter une citadine électrique neuve. Un ménage imposable devrait encore dépenser 18300 euros pour acquérir une familiale électrique neuve. Un professionnel 14500 euros pour remplacer son utilitaire par un utilitaire neuf électrique. Ce sont les chiffres donnés en exemple par la Métropole du Grand Paris sur son site internet. Qui peut croire que cela est satisfaisant et abordable pour les 40% d’albertivillariens qui ont une voiture  ? Quand Aubervilliers est la commune la plus pauvre du département – avec un taux de pauvreté de 44,3%.

Plus largement, réduire la circulation des véhicules les plus polluants ne suffit pas. Réduire la pollution et garantir la qualité de l’air impose une politique globale.

Développer les transports en commun, alternative à la voiture et unique mode de transport pour 60% des habitants. Aubervilliers, victime des invraisemblables retards du chantier de la ligne 12, et des insuffisants des bus, sait bien à quel point nous en sommes encore loin.
Lutter pour éradiquer l’habitat insalubre et construire de façon durable. Quand les défauts d’isolation obligent notamment les habitants à surchauffer leur logement, entrainent des factures insupportables, et une pollution considérable – le secteur résidentiel est responsable de 40% des émissions directes de gaz à effet de serre en Île de France.
Préserver et développer les espaces verts. Aubervilliers ne compte que 1,3 mètres carrés d’espaces verts par habitant, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé en recommande 10. Or, les travaux prévus par la Société du Grand Paris dans le cadre de la mise en place de la Ligne 15 menacent aujourd’hui le Square de la Maladrerie, l’un des plus précieux espaces verts de la ville.

Je ne fais ici qu’esquisser quelques pistes, les plus immédiatement perceptibles. La transition écologique, qui implique de revoir en profondeur et dans l’ensemble notre mode d’organisation sociale, est un vaste chantier, sur lequel nous pourrions parler longuement.


On le voit, que l’on se situe à l’échelle nationale ou locale, le pouvoir de M. Macron est loin de répondre de façon satisfaisante à l’urgence écologique. Il est loin de donner les moyens nécessaires pour que cette réponse puisse se déployer dans une ville populaire comme Aubervilliers. Tout ou presque, reste à faire. Mais faire ce constat ne doit pas nous décourager, bien au contraire. Des batailles doivent être livrées, et nous les livrerons. A l’Assemblée Nationale, à la Mairie, et dans la rue. Les impasses et les insuffisances de la politique menée aujourd’hui par M. Macron dessinent en même temps une feuille de route pour nos luttes.

Auprès des services de l’État, de la Métropole du Grand Paris, de la Région, nous devrons nous battre et peser pour obtenir que la mise en place de la Zone de Faible Émission ne se fasse pas sans les dispositifs d’accompagnement appropriés. Les mesures de soutien financier pour les ménages les plus modestes doivent être renforcées, afin que celles et ceux qui doivent changer de véhicule puissent le faire. Il nous faut aussi œuvrer à développer les modes de transports alternatifs. Je pense ici aux combats que j’ai porté, tout comme la Maire, auprès de la RATP, pour les transports publics. Il sont plus que jamais actuels : pour la mise en circulation de la ligne 12, pour l’augmentation de la fréquence des lignes de bus, pour leur équipement en bus électriques. Il faut également développer l’usage du vélo et des pistes cyclables.

Ce sont là d’âpres luttes. Celles qui nous attendent plus largement sur les enjeux de la transition écologique, que j’ai esquissés il y a quelques minutes, le sont plus encore. Il y a là une bataille pour construire un rapport de force politique. Contre la politique d’Emmanuel Macron, qui sacrifie notre environnement, notre santé et l’avenir de nos enfants sur l’autel du profit. Et pour construire ensemble un véritable projet écologique, global, et populaire. La bataille est rude. Mais il faut la livrer. Pour mieux respirer. Et, tout simplement, pour mieux vivre.