Combien de contaminations au Covid-19 à l’école ?

Les chiffres donnés par le ministère de l’Education nationale concernant la contamination à l’école des élèves sont très en deçà des chiffres donnés par Santé Publique France sur les contamination des jeunes. Or, l’essentiel des jeunes est scolarisé. Comment expliquer cette différence ? Les chiffres du ministère sont-il sciemment sous-évalués afin de minimiser les risques de contamination à l’école ?

Question écrite au gouvernement, publiée le 01/12/2020 :

Monsieur le député Bastien Lachaud interroge Monsieur le ministre de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, Jean-Michel Blanquer sur le chiffre des contaminations de Covid-19 dans les écoles.

Au lieu d’avoir pris les mesures nécessaires dès le début de la résurgence de l’épidémie de Covid-19 en France, le gouvernement a attendu le moment critique pour annoncer le reconfinement du pays le 30 octobre. Toutefois, contrairement confinement de mars, les écoles ont ouvert leurs portes le 2 novembre pour accueillir les élèves après les vacances d’automne. Les établissements scolaires n’ont pas en effet pas été considérés comme des foyers de contamination au Covid-19 dans l’idée que les jeunes enfants seraient moins susceptibles d’être infectés que les adultes, et moins contaminants dans ce cas que ceux-ci.

Si cette explication pourrait être envisageable concernant les enfants en bas âge, elle manque toutefois de preuve scientifique, puisque les études ne sont pas conclusives sur ce point. Certains vont dans ce sens, toutefois une étude du gouvernement israëlien tend à faire penser que c’est à partir du moment où les écoles ont été rouvertes qu’il y eu un nouveau pic de contamination, tendant à infirmer l’hypothèse d’une faible contagiosité des enfants.

L’argument est toutefois plus difficile à entendre concernant les lycéens et dans une certaine mesures les collégiens qui ne sont plus des enfants mais des adolescents voire des jeunes adultes.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les chiffres sont difficiles à établir sur les contaminations à l’école. En effet, l’écart, entre les chiffres du ministère de l’Éducation nationale et ceux de Santé publique France, concernant les taux de contamination des élèves est très important. Le 6 novembre, à l’occasion du point hebdomadaire divulgué chaque vendredi par le ministère de l’Education nationale, celui-ci déclarait 3 528 cas chez les élèves, et 1 165 chez les personnels sur les quatre derniers jours. Pourtant, rien que le 2 novembre selon le journal Libération et les chiffres de Santé Publique France, 1 849 jeunes de 0 à 9 ans et 8 116 jeunes de 9 à 19 ans ont été contaminés. Déjà 3 fois plus en une seule journée que les estimations du ministère pour les quatre derniers jours. Si l’ on y ajoute les chiffres du 3 et du 4 novembre, 25 196 cas positifs de jeunes de 0 à 19 ans ont été déclarés. Soit un chiffre bien supérieur aux données rendues publiques par le ministère. Autre exemple, vendredi 13 novembre 2020, le ministère annonce 12.487 cas confirmés de Covid entre le samedi 8 novembre et le jeudi 12 novembre, ce qui est déjà un nombre quatre fois plus grand que celui de la semaine précédente. De son côté, Santé publique France enregistre sur la même période 37.488 cas positifs soit un nombre trois fois supérieur à celui déclaré par le ministère. Dans certaines académies, comme celles de Dijon et Besançon par exemple, le rapport serait de de 1 à 20 entre les chiffres déclarés par le ministère et ceux de Santé Publique France.

Deux explications sont avancées par le ministère : les chiffres qu’il donne ne concernerait que les enfants scolarisés, et pas ceux sortis du système scolaire (ce qui exclut les adolescents en apprentissage, en établissement agricoles, hors contrats ou les élèves en décrochage scolaire) alors que Santé publique France recense tous les jeunes. Pourtant, le nombre de jeunes de 3 à 19 ans non scolarisés ne peut pas expliquer une telle différence.

Cette différence s’expliquerait également par le fait que les chiffres du ministère de l’Éducation nationale reposent sur les remontées des agences régionales de santé et surtout sur les déclarations des parents d’élèves auprès des chefs d’établissements, lesquels les font ensuite remonter dans les rectorats. Or, par respect du secret médical, les parents ne sont pas obligés de déclarer à l’école que leur enfant a été déclaré positif au Covid 19. Ainsi, de nombreux cas d’élèves contaminés échappent aux chiffres du ministère.

M. Lachaud souhaiterait donc savoir pour quelle raison le ministère de l’Education nationale ne se base-t-il pas sur les chiffres de l’Agence de Santé publique, puisque selon le mode même d’établissement de ces chiffres, il apparait qu’ils sont clairement sous-évalués, si ce n’est pour accréditer la thèse que les enfants ne sont pas contaminés à l’école.

Pourtant force est de constater selon les témoignages des enseignants et les photos et vidéos que les élèves partagent sur les réseaux sociaux que les gestes barrières sont loin d’être respectés, parce qu’il est impossible de le faire : les locaux ne sont pas plus grands, les points d’eau n’ont pas été créés, voire ont diminué pour respecter la distanciation physique, mais compliquant l’accès aux lavabos pour se laver les mains. Les horaires de la cantine ont pu être aménagés à la marge, mais ne permettent pas de diminuer significativement la densité lors des moments de restauration, qui se font nécessairement sans masque.

Cette ouverture des écoles, avec un protocole qui n’a de renforcé que le nom, met en danger le corps enseignant, mais également les élèves fragiles et leurs familles.

Aussi, M. Bastien Lachaud souhaite apprendre du Ministre quelle méthodologie de comptage des cas de contamination fiable il compte mettre en œuvre, afin de garantir que les cas de contamination à l’école soient comptabilisés, et permettent un véritable bilan sanitaire.

Réponse, publiée le 04/05/2021 :

Les données du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) sont élaborées à partir des remontées faites par les rectorats sur les effectifs des écoles, collèges et lycées. Comme toutes données épidémiologiques, celles-ci peuvent ne pas être exhaustives notamment du fait du volontariat des déclarations par les familles et des remontées par les personnels de l’éducation nationale.

Les données de GEODES (observatoire cartographique des indicateurs épidémiologiques produits par Santé publique France) présentent également d’autres indicateurs que les nombres de positifs, ce qui participe à un faisceau d’arguments permettant d’analyser au mieux la situation épidémique. Pour compléter ce faisceau d’arguments, les chiffres communiqués dans les points de situation du MENJS présentent également le nombre de personnels, de structures et de classes fermées.

L’ensemble de ces données, issues de notre ministère et de Santé publique France permettent donc de suivre au mieux la situation sanitaire du milieu scolaire. Par ailleurs, des protocoles de recherche concernant le milieu scolaire sont à l’étude avec Santé publique France.