Non à l’accord de libre échange climaticide UE – Japon

J’ai dénoncé l’accord climaticide UE-Japon qui a été voté ce matin. Il organise le grand déménagement du monde. Il fait des gesticulations sur le climat, pendant que le Japon s’apprête à dévserser l’eau contaminée de Fukushima dans l’océan, et alors que le Japon continue la pêche à la baleine.

Nous ne sommes pas dupes : cet accord avec le Japon a surtout pour but de resserrer l’étau contre la Chine, et s’embrigader derrière Washington dans une guerre froide larvée.
Nous refusons l’alignement derrière aucun maître. Nous sommes pour une France indépendante au service de la paix.

Lire le texte de l’intervention :

Dans la série des textes qu’on nous demande de ratifier ce matin, celui-ci est tout de même un peu particulier et je remercie nos collègues du groupe communiste de l’avoir retiré de la procédure simplifiée. Il s’agit je cite d’un « partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Japon ». Le mot est joli mais la chose est en réalité fort vilaine.

Disons d’abord que l’on soumet à notre ratification un texte qui est déjà entré pour partie en application depuis deux ans. Ce texte a beau parler du souci de la démocratie que nous aurions comme une prétendue « valeur commune »  avec le Japon, la pratique nous instruit assez que la démocratie n’est vraiment pas le sujet, pour Paris, Bruxelles ou Tokyo. D’ailleurs, tout le monde ici sait dans quelles conditions d’opacité la Commission européenne mène ce genre de négociation. Une véritable phobie des peuples la conduit à interdire même aux parlementaires de pouvoir consulter librement le projet d’accord. Comme on sait, ce genre de privilège est réservé aux lobbies qui ont table ouverte à la Commission. Avec ce genre de procédure, on peut bien exciper de son amour pour la démocratie, personne n’est convaincu et tout ce qui suit cette hypocrite profession de foi ne peut susciter que notre défiance.

Ainsi donc, ce partenariat serait justifié par exemple parce que nous aurions des objectifs communs en matière de préservation de l’environnement. Je n’en crois rien mais c’est possible après tout : l’Union européenne est si peu exemplaire. De toute façon, la réalité dément ce beau discours. Comme vous le savez, cet accord complète un autre accord signé en même temps : un accord commercial qui a créé la première zone de libre-échange du monde, représentant 30% du PIB mondial. C’est-à-dire qu’on a levé toutes les barrières qui pouvaient encore éviter que les marchandises traversent plusieurs fois la planète entre l’Asie et l’Europe avant d’arriver devant leur consommateur ou utilisateur final. De cette façon, il est impossible que nous n’ayons pas participé à une hausse sensible des émissions de gaz à effet de serre. Venir parler après cela d’environnement est d’une hypocrisie totale.

Mais ça l’est encore plus au vu de l’actualité. Comme vous le savez, le Japon prévoit de déverser dans l’océan 1,25 millions de tonnes d’eau contaminée au tritium radioactif de Fukushima. Il faut dire que nous partageons ce genre de pratique polluante. On comprend mieux qu’on a affaire à un accord entre pompiers-pyromanes de l’écologie. Nous aurions pourtant mieux fait de nous associer pour trouver les moyens de démanteler les installations nucléaires que nous avons sur les bras…

Mais puisque je parle de pollution des eaux, l’honnêteté oblige à dire que le problème n’est peut-être à vos yeux pas si grave : après tout, la surpêche des équipages asiatiques – chinois ou japonais – est si considérable que l’idée de polluer le milieu d’espèces déjà en voie de disparition ne peut inquiéter que les esprits timorés et chagrins… Je rappelle quand même que le Japon n’a toujours pas renoncé à la pratique cruelle et désastreuse de la pêche à la baleine qui fait l’objet d’un moratoire depuis 1986 ! Pour être exact, il a quitté la commission baleinière et repris la pêche en 2019, année de l’entrée en vigueur des deux accords que l’Union européenne avait négociés avec lui. Quel beau symbole pour ceux qui prétendent protéger ensemble la biodiversité ! Pour notre part, nous ne mangeons pas de ce pain-là !

Je viens d’évoquer les équipages chinois et bien sûr c’est à dessein que j’introduis la Chine dans la conversation. Car cet accord de partenariat stratégique est aussi pensé pour contrecarrer l’influence croissante de la Chine. A la suite de la fameuse « bascule » de leur diplomatie vers le Pacifique décidée par les Etats-Unis, l’Europe, docilement emboîte le pas. Participer à la création d’une sorte de glacis autour de Pékin, tel est aussi l’enjeu de ce texte. Or cette stratégie n’est en rien conforme aux intérêts de la France : nous refusons l’alignement derrière aucun maître, derrière aucun tuteur, ni Washington ni Pékin. Et densifier nos relations avec le Japon pourrait être une fin en soi si nous avions des projets communs mais cela ne peut se concevoir au nom d’une guerre froide latente avec la Chine.

Je ne voudrais pas conclure avant d’avoir évoqué une question moins abstraite et très douloureuse :  la situation des parents divorcés et qui se trouvent privés de la possibilité de voir leurs enfants parce que le Japon accorde l’autorité parentale exclusive à un seul des parents. C’est la cause de bien des souffrances et un des cas qui montrent combien nous pouvons diverger avec le Japon sur  la question des droits humains et sociaux. Je vais essayer d’achever de le prouver d’une façon qui je l’espère pourra réconcilier les amis du grand patronat que vous êtes et les amis des salariés que nous sommes. Comment ? En vous rappelant que le Japon, c’est ce pays qui n’a pas ratifié les conventions de l’OIT contre le travail forcé, qui est l’un des Etats développés les moins avancés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et dont la procédure pénale et le traitement qu’il réserve à ses détenus sont si contraires aux droits fondamentaux que même des insoumis peuvent montrer de la compréhension quand votre ami, votre modèle, Carlos Ghosn s’évade de prison. Mais il faut dire aussi que les réformes françaises en la matière tendent elles aussi à restreindre les libertés.

En somme que l’on parle des libertés publiques, des droits sociaux, de la lutte contre le réchauffement climatique, de la préservation de la biodiversité, nous avons en commun avec le Japon de faire le contraire de ce qu’on prétend. Si bien que cet accord stratégique est plutôt un accord sur une stratégie : la stratégie de l’hypocrisie.