Grand oral du bac : supprimons-le !

L’épreuve du grand oral a été une pagaille indescriptible pour sa première édition lors du bac 2021. Les services de l’Etat ont été désorganisés, par manque d’anticipation et ce sont les élèves qui en ont fait les frais. C’est inacceptable.

Mais cette épreuve est structurellement inacceptable : elle renforce les inégalités scolaires et sociales, et continue à ouvrir grand la porte de la marchandisation du savoir.

De manière générale, les réformes Blanquer sabotent l’examen national du baccalauréat, pour la plus grande joie des grandes entreprises. Les épreuves terminales sont foklorisées et vidées de leur sens. Les conditions de correction de l’épreuve dépossèdent les correcteurs de leur capacité à décider, et sont une aberration pédagogique, écologique, et du point de vue du respect du droit du travail. L’instauration du contrôle continu casse le caractère national du diplôme et instaure un bac dont la valeur dépend de la réputation des établissements scolaires.

Il faut supprimer le grand oral de l’examen du baccalauréat.

Question écrite au gouvernement, publiée le 20/07/2021 :

Monsieur Bastien Lachaud alerte M. le Ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer sur l’examen du grand oral dans le cadre de la réforme du baccalauréat.

Par la réforme de l’examen du baccalauréat, le Gouvernement a entendu imposer comme centrale l’épreuve du grand oral. L’organisation de cette nouvelle épreuve à fort coefficient a posé de nombreuses difficultés pour les élèves, pour les enseignants ou encore pour les personnels administratifs.

L’organisation de la première mouture du grand oral a créé des ruptures d’égalité inadmissibles

L’organisation des épreuves pour cette première mouture du grand oral a été gravement perturbée, dans toutes les académies dans l’hexagone et en outre-mer.

Les personnels des lycées se sont retrouvés dans des situations ingérables du fait de l’organisation même de cette épreuve, les élèves et leurs familles livrés à eux-mêmes. La presse relate une multitude de situations inadmissibles. Par exemple, des élèves ont été convoqués à des horaires pour lesquels ils n’étaient pas prévus et ont dû attendre des heures avant d’être fixés sur leur passage réel. Ou devoir revenir le lendemain, car aucun jury ne s’est présenté. D’autres n’ont pas reçu de convocation, et ont dû prendre l’initiative de contacter les centres d’examens de leur propre chef. Certains professeurs ont été convoqués à des horaires très rapprochés dans des établissements distants, d’autres dans des établissements où ils n’étaient pas attendus. D’autres ont été convoqués pour surveiller des épreuves écrites, et ont dû finalement intégrer des jurys de grand oral. Des professeurs en arrêts maladie ont même été convoqués, et n’ont évidemment pu se présenter pour participer au jury. Certains élèves ont eu pour jury des professeurs qui n’enseignaient ni l’un ni l’autre la spécialité retenue par l’élève, contrairement à ce que prévoit l’épreuve. Les élèves ont donc été évalués sur la forme et non le fond, par des professeurs découvrant cette situation au dernier moment. Autre exemple, un professeur aurait été convoqué pour faire passer le grand oral, et au même moment pour faire passer les épreuves du CAPES. De manière générale, les convocations ont été tardives, jusqu’au vendredi pour le lundi. Ces délais ont empêché de rectifier les erreurs constatées, ou de préparer correctement le passage des candidats.

Ces reports et erreurs de convocation ont généré un stress supplémentaire pour les élèves concernés, qui ne sont responsables en rien de la situation. Cela vient s’ajouter à une situation scolaire déjà difficile et perturbée par la pandémie. Il n’est pas acceptable que des élèves fassent les frais d’une désorganisation des services de l’Etat, ni que cette réorganisation ne crée une rupture d’égalité entre les candidats.

Le grand oral est une épreuve socialement discriminante

Le grand oral a un coefficient très élevé, pourtant, aucune heure spécifique n’est prévue dans les emplois du temps pour les préparer. Puisqu’aucun temps d’apprentissage n’est prévu, les élèves sont dont livrés à eux-mêmes. Leur capacité à se préparer à cette épreuve dépendra donc de leur origine sociale, de la capacité de leurs familles à les conseiller. Loin de « compenser les inégalités », le grand oral les renforce. Les compétences socio-linguistiques sont en effet socialement discriminantes : les élèves de classes sociales plus aisées acquièrent par leur socialisation familiale un lexique plus étendu, des capacités grammaticales et syntaxiques plus grandes.

La partie liée à l’orientation est d’autant plus socialement discriminante, que les élèves des classes sociales supérieures ont plus souvent des projets simples et bien déterminés. Pour les élèves dont les choix sont incertains, dont l’incertitude est renforcée par l’aléa de Parcoursup, qui n’ont pas leurs familles pour les aider à s’orienter dans l’enseignement supérieur, cette partie de l’épreuve est particulièrement difficile à préparer.

Enfin, les codes sociaux sont particulièrement discriminants pour une épreuve orale fondée surtout sur la rhétorique : la façon de s’habiller, de se coiffer, de se tenir, de s’exprimer, sont marqués socialement, et ne peuvent manquer d’influencer au moins inconsciemment les évaluateurs. La capacité à réussir sans enseignement spécifique à une épreuve orale est également déterminée par l’assurance, la confiance en soi, le sentiment de légitimité or celles-ci sont aussi influencées par l’identité de genre des candidats.

Le grand oral entraîne la marchandisation du service public de l’éducation

L’imprécision qui règne autour de l’organisation et des modalités des nouvelles épreuves du baccalauréat conduit à une privatisation rampante de l’éducation. Ainsi, comme la nouveauté de ces épreuves génère de l’incertitude et de l’appréhension chez les élèves, des officines privées de toute sorte ont profité de l’occasion pour proposer leurs services.

Ainsi, des manuels spécifiques, des services de « coaching » privé, de soutien scolaire spécial grand oral sont à présent proposés pour aider les élèves pour la préparation du grand oral, moyennant par 190 € pour un « pass grand oral », ou encore exemple 250 € pour un stage de 10 h.

Ces entreprises entendent utiliser la détresse des élèves et de leurs familles pour générer du profit. Comme cela était prévisible, l’introduction de cette épreuve renforce le marché de l’éducation, alors que l’Éducation nationale doit garantir un accès égal à l’éducation pour tous. Cette épreuve creuse les inégalités dans la préparation du baccalauréat, entre les élèves dont les familles pourraient payer ce genre de service, et les autres. Ces capacités à se préparer renforcent les inégalités sociales inhérentes à l’épreuve.

Aussi, M. Bastien Lachaud demande quand M. le Ministre renoncera à l’épreuve du grand oral.

Réponse du ministère, publiée le 08/03/2022 :

Il est à souligner que cette première session du baccalauréat général et technologique réformé s’est déroulée dans un contexte fortement perturbé par la crise sanitaire que nous traversons depuis mars 2020. Ainsi, aux transformations structurelles, réglementaires, organisationnelles et techniques se sont ajoutés des bouleversements conjoncturels dus aux nécessaires adaptations et aménagements.

Si dans la plupart des territoires et pour une grande majorité de candidats, les différentes opérations se sont bien déroulées, certaines convocations ont, en effet accusé du retard ou des erreurs. Dans le contexte évoqué, les phases habituelles de tests des outils ont parfois été insuffisantes et le temps des vérifications et des ajustements a été contraint. Ainsi, quelques erreurs n’ont été que tardivement corrigées avec toujours le souci de ne léser aucun candidat.

L’impact de la crise sanitaire, tant sur les aménagements réglementaires définis au fil de l’évolution de la situation, que sur la capacité des ressources à travailler tous « azimuts » a été fort sur les équipes en établissement, sur les candidats et les familles ainsi que sur les ressources « invisibles », en charge des évolutions des systèmes d’information et de l’organisation. Elles ont eu à s’adapter au fil de l’eau. Ainsi, bien qu’ayant fait preuve d’une grande souplesse et d’adaptation, elles ont dû constamment revoir leurs priorités. Cette mobilisation de tous a permis à chaque candidat de se voir attribuer son résultat.

La fin de session a été marquée par une analyse nationale sous forme de RETEX (retour sur expérience) qui permettra de dégager les grands axes et pistes d’amélioration pour prise en compte dès la session 2022 dans un contexte que nous espérons favorable.

Concernant les remarques plus particulières sur l’épreuve du « Grand oral » : cette épreuve du Grand oral a été conçue pour permettre au candidat de montrer sa capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante. Elle lui permettra aussi d’utiliser les connaissances liées à ses spécialités pour démontrer ses capacités argumentatives et la maturité de son projet de poursuite d’études, voire professionnel ; pour la voie générale, le candidat présente au jury deux questions préparées avec ses professeurs et éventuellement avec d’autres élèves, qui portent sur ses spécialités.

Même si la préparation peut inclure des temps collectifs, la démarche est individuelle et permet au candidat de porter pleinement sa parole, de l’incarner et de se positionner ; pour la voie technologique, ces questions s’appuient sur l’enseignement de spécialité pour lequel le programme prévoit la réalisation d’une étude approfondie. Cette étude approfondie correspond, dans certaines séries, au projet réalisé pendant l’année. Les candidats scolarisés peuvent avoir préparé cette étude individuellement ou avec d’autres élèves.

Tout comme dans la voie générale, chaque candidat est appelé à s’impliquer personnellement dans la préparation de l’épreuve ; pour préparer au mieux les candidats à l’épreuve orale dite Grand oral, les professeurs ont accès à un parcours d’autoformation sur la plateforme magistère.

Ce parcours d’autoformation est destiné à tous les professeurs et, parmi eux, aux jurys ayant en responsabilité son évaluation. D’une durée de 4 heures, il se décline en 4 modules : définition et fonctionnement de l’épreuve ; l’élève, auteur et acteur de sa parole ; préparer les élèves au Grand oral, faut-il tout réinventer ? ; être jury du Grand oral ; l’objectif de cette formation est d’identifier en quoi le Grand oral accorde une place nouvelle à l’oral tout en s’inscrivant dans un continuum, pour les élèves et pour les enseignants. Par différentes mises en activité, il s’agit d’analyser des prestations orales filmées et de découvrir des propositions de mise en œuvre pédagogique.

Des ressources académiques sont également proposées aux enseignants par différentes académies afin de les accompagner dans la préparation des élèves au Grand oral.

Des ressources pédagogiques gratuites tels que des Foires aux questions, des documents ressources de l’inspection générale et des vidéos (conseils de préparation au grand oral) sont disponibles sur les sites Éduscol et Réussir au lycée ; ces ressources permettent aux élèves d’approfondir leur préparation à cette épreuve ; des séminaires nationaux de formation sont organisées à l’intention des formateurs et des inspecteurs dans les académies. Le dernier en date s’est tenu en juin 2021 ; un prochain séminaire national est en cours d’organisation pour le printemps 2022 ;

Bon nombre d’académies ont par ailleurs mis en œuvre des formations dans le cadre de leur plan académique de formation sur ce sujet et les inspecteurs territoriaux se sont attachés à accompagner les équipes dans l’appropriation des enjeux et des modalités de cette nouvelle épreuve ainsi que dans la préparation des élèves à ses attentes.

Enfin, sur le fait que l’oral aurait un caractère discriminant. L’oral ne présente pas plus de biais discriminants que l’écrit, dont la maîtrise peut être facilitée par le bain linguistique et culturel dont bénéficient certains élèves. Mais c’est précisément à l’École de tout faire pour lutter contre de telles inégalités, en permettant à chaque élève d’acquérir des compétences clés pour son accomplissement personnel, social et professionnel.

Plus largement en ce qui concerne l’orientation et l’accompagnement des élèves : dès la fin de la classe de seconde générale et technologique, chaque lycéen est appelé à consolider son projet d’études en procédant au choix de ses spécialités dans la voie générale ou d’une série dans la voie technologique.

Sa réflexion se poursuit et s’intensifie pendant les deux années du cycle terminal en parallèle, et grâce au travail mené dans les enseignements de spécialité, pour préparer les deux questions que l’élève présente au jury lors de l’épreuve terminale du Grand oral ; la réglementation prévoit que les élèves bénéficient d’un accompagnement personnalisé, dont une aide à l’orientation, selon leurs besoins.

L’accompagnement personnalisé est destiné à soutenir la capacité d’apprendre et de progresser des élèves, notamment dans leur travail personnel, à améliorer leurs compétences et à contribuer à la construction de leur autonomie intellectuelle. En classe de terminale, l’accompagnement personnalisé prend appui prioritairement sur les enseignements de spécialité ; l’accompagnement au choix de l’orientation (54 heures pour la classe de première et 54 h pour la classe de terminale) est également prévu dans l’organisation et les volumes horaires des enseignements du cycle terminal des lycées, sanctionnés par le baccalauréat général et du baccalauréat technologique.

Cet accompagnement implique l’intervention des membres de l’équipe éducative (professeurs référents, professeurs principaux, le psychologue de l’éducation nationale…).