J’alerte sur l’attribution des postes dans l’Éducation nationale

La crise du recrutement des professeurs frappe de plein fouet l’Éducation nationale en cette rentrée 2022. La promesse de mettre un enseignant en face de chaque classe est loin d’être tenue. Celle d’avoir un enseignant de métier encore davantage, tant des personnes sont recrutées rapidement et sans formation pour pallier le manque d’enseignants titulaires.

Des pratiques d’attribution des postes qui priorisent les contractuels sur les titulaires est non seulement contraire aux règles de la fonction publique, mais en plus particulièrement dissuasif pour les titulaires, qui exercent dans de moins bonnes conditions et plus loin de chez eux.

Question écrite au gouvernement, déposée le 27 septembre 2022 :

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la priorité qui serait donnée aux contractuels sur les titulaires dans l’attribution des postes.

En effet, la presse a donné les témoignages de plusieurs personnels titulaires qui se sont vus affecter des zones très éloignées de leur domicile, alors qu’il existait encore des blocs d’heures non remplacés, voire des temps pleins, beaucoup plus proches. Le médiateur de l’académie d’Annecy n’aurait pas démenti l’information, en expliquant qu’il s’agirait de « fidéliser » les contractuels, qui seraient susceptibles de refuser d’aller travailler loin de chez eux. Autre cas, dans le Loiret, où un poste est affecté à un contractuel, alors qu’un professeur titulaire de zone de remplacement, affectée sur le poste l’année précédente, n’a pas de poste.

D’autres fonctionnaires stagiaires, qui avaient reçu une affectation très éloignée de leur domicile, se seraient vu conseiller de « repostuler comme contractuel pour avoir un poste plus près de [leur] domicile ». M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil, a affirmé peu avant la rentrée, que sa politique « a été plutôt de fidéliser les contractuels et de les faire passer avant les titulaires », ce qui est pourtant contraire aux règles de la fonction publique.

D’un point de vue financier, certaines académies proposent aux contractuels des rémunérations supérieures à celles prévues pour les titulaires, ainsi pour le second degré, les académies de Paris, Créteil et Versailles, ont harmonisé leurs conditions de rémunération, et proposent un salaire de base entre 2022 et 2327€/mois selon le niveau de diplôme. Or, les enseignants titulaires, pour lesquels le niveau de bac +5 est obligatoire, le salaire commence à 1828 € par mois pour les stagiaires.

Ces pratiques ne peuvent qu’amplifier la crise de recrutement des enseignants titulaires, puisque ceux-ci vont se voir proposer des postes plus éloignés de leur domicile, plus difficiles et dans des conditions de rémunération plus défavorables encore. Il serait donc plus avantageux de ne pas passer le concours, ou d’y renoncer, ce qui a été proposé à certains enseignants.

Certains enseignants titulaires songent à démissionner pour devenir contractuel, pour avoir au moins l’opportunité de choisir leur académie d’enseignement. Plus encore, le recrutement à tout va de contractuels, ne permet en aucun cas de garantir le niveau disciplinaire et pédagogiques des futurs enseignants.

Ainsi, l’exemple du « job dating » de l’Académie de Versailles a pu montrer les conditions de recrutement de certains de ces contractuels. Ceux-ci n’ont pu recevoir qu’une formation de 4 jours avant d’avoir la responsabilité d’une classe. Pour certains, la démission a été rapide, constatant que les conditions de travail étaient trop difficiles. Cette instabilité n’est pas sans impact sur les élèves.

Aussi, M. Lachaud souhaite-t-il savoir quand le ministre compte mettre un terme à ces politiques dissuasives vis-à-vis des titulaires, et comment il compte titulariser l’ensemble des précaires de l’Éducation nationale.

Lire la réponse, publiée le 11 juillet 2023 :

Les articles L. 311-1 et L. 320-1 du code général de la fonction publique (CGFP) posent le principe de l’occupation des emplois permanents de l’État par des fonctionnaires, recrutés par concours, sauf dérogation.

Le recours aux contractuels permet d’assurer la couverture des besoins d’enseignement dans des cas limités. Leur apport est indispensable, en particulier dans le second degré, en raison de :

– la non saturation de quelques concours, notamment dans l’enseignement professionnel ;

– le nombre de spécialités enseignées (plus de 300 dans 8 000 établissements) ;

– l’évolution de la carte des formations offertes dans les académies.

Les enseignants contractuels peuvent, s’ils le souhaitent, candidater aux concours internes enseignants pour faire valoir leurs années d’expériences professionnelles s’ils détiennent une licence. Ils accèderont ainsi aux corps de fonctionnaires enseignants.

Afin de répondre aux besoins de certaines académies rencontrant des difficultés de recrutement, des concours internes académiques exceptionnels sont organisés au bénéfice de certains fonctionnaires et agents contractuels ayant exercé pendant une durée minimale de dix-huit mois des fonctions d’enseignement. Ces concours sont ouverts cette année dans les académies de Créteil, de Versailles et de la Guyane.

En application des dispositions réglementaires régissant les recours aux agents contractuels, les enseignants contractuels ne sont pas prioritaires quant à leur souhait d’affectation par rapport aux titulaires. La démarche de fidélisation des personnels contractuels qui a été initiée dans certaines académies a pour objectif d’éviter des vacances de postes peu attractifs.

Le recours à des contractuels permet donc de couvrir, après les opérations du mouvement, ces postes restés vacants à la rentrée scolaire ou qui le deviennent en cours d’année. Si chaque poste vacant devait correspondre à une capacité d’accueil, l’impact sur le mouvement pourrait être très important.

Le taux de mutation des titulaires chuterait progressivement car les académies attractives combleraient rapidement tous leurs besoins. Il existe dans chaque académie et pour chaque discipline des effectifs chargés du remplacement et de la suppléance. Ces personnels sont soit des titulaires affectés sur zone de remplacement (TZR), soit des agents contractuels en CDI, soit des maîtres auxiliaires garantis d’emploi. Ce potentiel peut être complété par des contractuels ou des vacataires recrutés également pour effectuer des remplacements ou de la suppléance lorsque, dans certaines disciplines ou à certains moments de l’année, apparaissent des besoins supplémentaires.

S’agissant de leur rémunération, conformément à l’article 9 du décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d’enseignement, d’éducation et d’orientation dans les écoles, les établissements publics d’enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l’éducation nationale, ils peuvent être recrutés à un indice supérieur à l’indice minimum fixé par l’arrêté du 29 août 2016 pris en application de l’article 9 de ce décret compte tenu de leur expérience professionnelle selon des modalités définies dans le cadre du dialogue social local.

Certaines académies ont ainsi développé des politiques volontaristes en matière de rémunération dans un contexte de tensions en matière de recrutement. Même si les académies peuvent, en effet, fixer des indices supérieurs à l’indice minimum prévu par l’arrêté du 29 août 2016, il convient de noter que la rémunération indiciaire des titulaires reste plus avantageuse.

De plus, certaines primes prévoient explicitement qu’elles sont réservées aux fonctionnaires ou que les titulaires perçoivent un montant supérieur aux contractuels. C’est le cas de la prime d’attractivité dont le montant annuel pour les titulaires est de 2 200 € brut pour les enseignants au deuxième échelon de la classe normale alors que le montant maximal pour les agents contractuels exerçant des fonctions d’enseignants est de 1 200 €.

Image par Kohji Asakawa de Pixabay