Incendies en Amazonie : Rompre avec un système pour défendre l’intérêt général

Les images des incendies qui ravagent la forêt amazonienne occupent les écrans et les réseaux sociaux. Le poumon vert de la planète, qui génère 20% de l’oxygène mondial et contribue à la stabilisation du climat en stockant plus de 80 à 120 milliards de tonnes de CO2 chaque année, menace de s’engloutir dans les flammes. Un conservatoire vivant de la biodiversité – 7,4 millions de km2, dont 2,1 millions de zones protégées, sur lesquelles sont présentes un quart des espèces mondiales : 30 000 espèces de plantes différentes , 2500 de poissons, 1500 d’oiseaux ! – est en péril. L’esprit ne parvient pas à se détacher de ce qui s’étale sous nos yeux. L’émotion est générale, à la hauteur de la catastrophe. Dans la continuité des mobilisations pour le climat qui s’intensifient partout depuis l’an dernier, cette émotion peut être salutaire.

La faillite d’un modèle écocide, au Brésil et dans le monde

Le gigantesque brasier qui dévore aujourd’hui les forêts d’Amérique du sud  n’est que la manifestation la plus immédiatement visible de la faillite d’un modèle. Car si le sanctuaire naturel amazonien se consume, c’est qu’il a été profané, au nom d’une soif inextinguible de profit.

Au Brésil – où se trouve 60% de la forêt amazonienne –, le gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro a affiché ouvertement son intention d’ouvrir l’Amazonie au business. Il a défait les dispositifs de protection environnementale, ouvert la porte à la déforestation sauvage : elle a augmenté de 88 % depuis 2018. Car pour satisfaire la course folle à l’accumulation des bénéfices, il faut extraire toujours plus de ressources, convertir toujours plus de zones boisées en terres d’élevage et de cultures. Le résultat n’a pas tardé : les incendies ont augmenté de 83% en 1 an ; et ce alors même que la sécheresse n’a pas été aussi sévère que lors des années précédentes. Les scientifiques sont formels : c’est la déforestation qui explique la majorité des incendies. Niant l’évidence comme il nie le changement climatique, M. Bolsonaro cherche aujourd’hui à imputer les incendies aux…Organisations Non Gouvernementales, qu’il a lui-même cherché à faire taire en coupant leur financement. Au Brésil comme ailleurs, ultra-libéralisme économique, crise écologique et autoritarisme politique vont de pair : le premier engendre la seconde, et s’appuie sur le troisième pour réduire au silence toute opposition.

L’Union Européenne et le gouvernement français n’ont pas agi pour freiner cette logique destructrice. Pire, ils l’ont alimenté. L’accord de libre-échange conclu le 28 juin dernier entre la Commission de Bruxelles et le Mercosur (alliance commerciale regroupant Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), et qui prévoit la suppression de la quasi-totalité des droits de douane appliqués sur les exportations d’un continent vers l’autre, aurait pour effet, s’il venait à être ratifié, d’accroître les exportations agricoles brésiliennes, et ce sans qu’aucun mécanisme contraignant n’oblige le Brésil à respecter ses engagements environnementaux. La déforestation et toutes les formes de saccage de la nature s’en trouveraient démultipliées – dans un pays où M. Bolsonaro vient d’autoriser 239 pesticides, en grande partie interdits en Europe. Les conséquences humaines ne seraient pas moins dévastatrices : poursuite de la répression des peuples autochtones et des activistes écologistes, assassiné·es par des milices pour faire place à l’agrobusiness, réduction de travailleur·ses à des conditions d’esclavage, fragilisation des agriculteur·rices européen·nes confronté·es à la concurrence, décimation de l’industrie locale par les importations européennes. Voici ce qu’Emmanuel Macron qualifiait en juillet dernier de « bon accord », tandis que les échanges diplomatiques entre son gouvernement et celui de M. Bolsonaro s’intensifiaient à un rythme inédit  !

M. Macron, nous sommes encore loin du compte !

L’urgence, la médiatisation de la catastrophe amazonienne et l’émotion qui se sont emparées de l’opinion publique ont à présent amené le président français à changer quelque peu de ton. Ce 23 août, Emmanuel Macron a annoncé vouloir aborder la « crise internationale » en Amazonie à l’occasion du sommet du G7 qui doit se tenir à Biarritz du 24 au 26 août. Il a ensuite indiqué que, dès lors que M. Bolsonaro ne respectait pas ses engagements climatiques, la France s’opposerait à l’accord commercial UE-Mercosur et à sa ratification « en l’état ». A n’en pas douter, il fallait des gestes forts, quand l’Amazonie brule, quand Bolsonaro se refuse à écouter les appels à la raison, quand l’urgence et la crise écologique sont plus que jamais là, sous nos yeux.

Pour autant, les annonces d’Emmanuel Macron sont-elles à la hauteur des enjeux ?

Assurément le gouvernement brésilien ne peut agir seul face à un désastre d’une telle ampleur – quand bien même il le souhaiterait. Une réponse internationale est nécessaire, d’autant que les incendies qui ravagent l’Amazonie mettent en péril l’humanité tout entière. Cependant, annoncer de façon de façon intempestive des discussions au sommet G7 comme l’a fait Emmanuel Macron, alors même ni le Brésil ni aucun pays de la région n’y seront représentés, ne peut représenter une solution – on a d’ailleurs pu le constater immédiatement, M. Bolsonaro ayant eu beau jeu d’accuser M. Macron d’ingérence et de « mentalité colonialiste », mobilisant le nationalisme pour détourner les regards de l’enjeu écologique. C’est à l’ONU, seule instance politique planétaire légitime, de s’emparer de cette question et d’apporter son concours. Le conseil de sécurité devrait se réunir, et une force internationale de lutte contre les incendies devrait être mise en place.

Quant à l’opposition qu’Emmanuel Macron manifeste aujourd’hui face à l’accord UE-Mercosur, l’on ne peut tout à fait s’en satisfaire. Certes, toute pression qui s’exercera aujourd’hui sur M. Bolsonaro est la bienvenue. Remettre en cause cet accord de libre-échange, c’est en outre donner raison aux positions que défend La France insoumise, aux côtés d’autres acteurs politiques et associatifs. Nous alertons en effet depuis longtemps sur les dangers de l’accord UE-Mercosur, et plus généralement sur le péril écologique et social que représente la logique du libre-échange généralisé. Le 27 juillet dernier encore, La France insoumise publiait une tribune dans le journal Libération, conjointement à un certain nombre d’élu·e·s Europe Écologie Les Verts et de partenaires brésiliens, demandant à M. Macron de refuser l’accord UE-Mercosur. En faisant marche-arrière sur sa décision initiale et en se ralliant aujourd’hui à cette position, Emmanuel Macron concède une victoire au combat social et écologique.

Cependant, nous sommes encore loin du compte. M. Macron dit s’opposer à l’accord « en l’état » et non sur le principe, laissant la porte ouverte à une révision – dont on peut craindre qu’elle aurait tôt fait de n’être que de façade. Plus largement, son geste d’aujourd’hui restera purement symbolique et insuffisant – pour ne pas dire hypocrite – s’il en reste là et ne prend pas la véritable mesure du défi écologique. Pour cela, il faudrait qu’Emmanuel Macron tire de la situation d’aujourd’hui les leçons qui s’imposent. Qu’il renonce également aux accords de libre-échange CETA et JEFTA, avec le Canada et le Japon, tout aussi destructeurs pour l’environnement et l’humanité. Qu’il prenne conscience de l’impérieuse nécessité de rompre avec un modèle qui détruit toujours plus le vivant au nom de l’argent, et sacrifie l’avenir de la planète et le bien-être de ses habitant·e·s sur l’autel du profit. Qu’il comprenne qu’il n’y aura pas de transition écologique, pas plus que de justice sociale, sans rupture avec le libéralisme économique. Rien ne porte à croire qu’un président qui n’a eu jusqu’ici pour seule boussole que les intérêts des grandes entreprises et des plus riches, et qui continue de mentir sur son propre bilan environnemental, soit capable d’un tel changement d’orientation.

Puisque la caste ne veut pas changer de modèle et défendre l’intérêt général, le peuple, lui, le fera

Puisque M. Macron et la caste à laquelle il appartient ne peuvent ni veulent relever ce défi, c’est au peuple, à nous tous et toutes, qu’il appartiendra de le faire.

La séquence que nous vivons aujourd’hui ne peut donc que renforcer La France insoumise dans son combat, aux côtés de tou·te·s celles et ceux qui le souhaitent : Agir ensemble et vite face à l’urgence écologique ; rompre avec un système mortifère et repenser notre monde pour le sauver ; encore et toujours : défendre l’intérêt général.