Visite de Macron à Aubervilliers : assez de faux-semblants !

Ce 20 janvier 2022, le Président de la République Emmanuel Macron se rend à Aubervilliers. Il y participera à l’inauguration du « 19M », lieu dédié à la création et la transmission des métiers d’art de la mode, ouvert à l’initiative de Chanel, porte d’Aubervilliers, place Skanderbeg. Invité à cette inauguration, je n’y participerai pas. Je tiens à m’en expliquer.

Comment ne pas se réjouir de la naissance d’initiatives nouvelles ?

Comment ne pas se réjouir que des initiatives nouvelles voient le jour à Aubervilliers ? Que de grandes entreprises s’y installent ? Que le tissu économique se transforme et puisse connaître un nouvel élan ? Que l’on parle d’Aubervilliers et de la Seine-Saint-Denis autrement qu’à travers le prisme de leurs difficultés, en mettant en avant tout ce qui contribue à un renouveau ? Ouvrir de nouveaux horizons est une nécessité, dans le département le plus jeune de France métropolitaine – 36% des habitants de la Seine-Saint-Denis ont moins de 25 ans. Offrir de nouvelles opportunités est essentiel, dans la sixième ville la plus pauvre de France, la deuxième la plus pauvre de métropole – 44% des albertivillariens et albertivillariennes vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

Mais il faut regarder les problèmes en face et les prendre à la racine pour les résorber

Mais cela ne suffit pas. D’abord, parce que rien ne garantit que ces opportunités profiteront réellement aux habitants et habitantes d’Aubervilliers : rappelons que 70% des nouveaux emplois qualifiés créés dans le département sur une période de dix ans sont occupés par des non-résidents. Surtout, si l’on veut résoudre les problèmes, il faut les regarder en face, les prendre à la racine, et mener une politique globale de lutte contre les inégalités et les discriminations sociales et territoriales. Tout le contraire de ce que fait Emmanuel Macron. Loin d’œuvrer à résorber ces difficultés et ces inégalités, son mandat les a accrues comme jamais.

Macron refuse de voir les difficultés que vivent les habitants d’Aubervilliers

Le Président de la République prend-il seulement la peine de voir les difficultés ? Il y a tant tant de sujets dont un président devrait se saisir pour améliorer la vie des albertivillariens et albertivillariennes. La crise sociale, sanitaire, et l’insécurité, engendrées par l’installation de la consommation de crack porte de la Villette, par une décision du préfet de police, Didier Lallement, et l’abandon de l’État devant les difficultés des consommateurs de drogue et des riverains. L’insécurité et les nuisances liées au trafic de cigarettes, au carrefour des Quatre Chemins, et au-delà, au fort et au centre-ville d’Aubervilliers. Le mal logement, dans une ville où plus d’un tiers du parc privé et touché par l’insalubrité, et où tant d’habitants vivent dans un appartement mal chauffé, mal isolés, trop humides, victimes d’infestation de rongeurs ou d’insectes. Le manque de moyens des services publics, dans les établissements scolaires par exemple, qui souffrent des absences d’enseignants non remplacées, du manque d’assistants d’éducation, d’AESH, de personnel administratif. Les effets du chômage, de la précarité, de la pauvreté, que la crise sanitaire a encore aggravés.

Le gouvernement reste sourd aux appels à l’aide de la population

En vérité, Emmanuel Macron n’ignore pas ces situations. Il les connait, ne serait-ce que parce que, comme de nombreux élus du département, je ne cesse de l’alerter, lui, son gouvernement, les services de l’État, sur les difficultés que rencontrent les habitants. Je ne fais que mon devoir d’élu : relayer les appels à l’aide de la population qui souffre. Mais le président n’agit pas. Je lui ai écrit, comme j’ai écrit au 1er ministre, au ministre de l’intérieur, comme j’ai interpelé le ministre de la santé à l’Assemblée Nationale, pour leur demander d’agir face à la situation insupportable que subissent les riverains de la Villette confrontés à la crise du crack. Pas de réponse. Je lui ai écrit à plusieurs reprises, ainsi qu’au premier ministre, au ministre de l’intérieur, en les invitant à se rendre aux Quatre Chemins, à dialoguer avec les habitants du quartier, à mobiliser l’ensemble des acteurs pour améliorer la situation. Pas de réponse. J’ai questionné le gouvernement dans l’hémicycle : on m’a répondu par le déni : « regardez les chiffres, la situation s’améliore ». J’ai interpelé la ministre du logement sur la situation de nombreux locataires qui vivent dans des passoires thermiques, payent des factures vertigineuses et grelottent de froid dans leur appartement. Pas de réponse. Quand j’interpelle directement le préfet pour demander le relogement d’urgence d’une famille vivant à quatre dans 15 m2, dans un appartement humide et infesté de rats et de cafards : les semaines passent ; rien ne bouge. Et quand j’écris, mois après mois, au ministre de l’éducation nationale ou au recteur de l’académie de Créteil pour alerter sur la situation des établissements scolaires et demander des moyens supplémentaires : rien ne change.

La politique de Macron accroît chaque jour les inégalités dont souffre Aubervilliers

Le président n’est pas seulement indifférent aux difficultés d’Aubervilliers et de ses habitants. Sa politique les aggrave chaque jour. Quand son gouvernement accouche d’un prétendu « plan d’urgence » pour la Seine-Saint-Denis…parfaitement dérisoire, et qui enterre le travail des parlementaires de tous bords qui ont dénoncé le manque de moyens alloués aux des services publics dans le département, à la police, à la justice, à l’école, à l’hôpital. Quand les réformes destructrices de son ministre de l’éducation nationale accroissent les inégalités scolaires et que Parcoursup ferme la porte de l’enseignement supérieur à des milliers de jeunes des classes les plus modestes. Quand il rabote les moyens alloués au secteur du logement social, de telle sorte que l’on en a jamais construit aussi peu que durant son quinquennat. Quand ses discours sur le prétendu « séparatisme » stigmatisent des millions d’habitants des quartiers populaires. Quand un million de personnes en plus ont basculé sous le seuil de pauvreté en cinq ans de macronisme, du fait d’une politique économique qui prétend faire « ruisseler » l’argent des plus riches vers les plus modestes, mais le fait en réalité remonter dans les poches des milliardaires : leur patrimoine a plus que doublé en un an seulement, en 2020 !

Assez de visites pour rien, assez de faux semblants !

Dans ces conditions, la venue d’Emmanuel Macron à Aubervilliers ne peut être qu’une nouvelles de ces visites en Seine-Saint-Denis que le président et les membres de son gouvernement affectionnent tant. Nous ne connaissons que trop bien ce théâtre d’ombres, qui se répète à chaque fois. Une visite Potemkine, du nom de ce ministre de l’impératrice Catherine II, qui, dans la Russie du XVIIIème siècle, faisait aménager de luxueuses façades en carton-pâte et en trompe-l’œil dans les villages que l’impératrice visitait, afin de masquer la pauvreté. Macron descendra de voiture, serrera quelques mains, prononcera un discours convenu saluant le dynamisme du territoire, et repartira aussitôt. La pauvreté, la précarité, le chômage, les discriminations, le mal logement, l’insécurité, elles, resteront. Quel sens y-a-t-il à se prêter à ce jeu de faux semblants ? Espérer toucher un mot à l’oreille du monarque présidentiel, pour croire attirer son attention sur des difficultés et des habitants qu’il méprise ? C’est indigne. Quand la République tiendra enfin sa promesse et s’acquittera de sa dette envers les habitants d’Aubervilliers, qu’elle a tant négligés, alors seulement, le chef de l’Etat pourra recevoir un « accueil républicain ».