Face à la crise du logement : rencontre avec les associations de locataires à Aubervilliers

Ce jeudi 28 mai à Aubervilliers, j’ai rencontré un groupe de locataires, à la demande des associations locales, l’Alliance citoyenne d’Aubervilliers, la CGL d’Aubervilliers et l’association Bonjour Voisins. Ce fut l’occasion d’échanger sur la question du logement, en particulier sur les conséquences sociales de la crise sanitaire du Covid-19, qui préoccupent tant d’habitants d’Aubervilliers et de la Seine-Saint-Denis.

La crise sanitaire se mue en crise sociale, en Seine-Saint-Denis plus encore qu’ailleurs

Je l’ai écrit dès le début de la crise sanitaire et du confinement : la crise sanitaire ne pouvait qu’aggraver toutes les difficultés préexistantes des villes et des quartiers populaires de Seine-Saint-Denis. La crise sanitaire se transforme en crise économique et sociale, aggravant les difficultés de nombreux habitants qui vivent déjà en situation de fragilité, de précarité. Dans une ville comme Aubervilliers, ou plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, la situation est plus qu’alarmante. Elle est dramatique. Privés de leurs revenus, nombre d’habitants ont des difficultés à faire face à leurs dépenses quotidiennes, jusqu’aux dépenses alimentaires de première nécessité.

La crise sociale ouvre une crise du logement

Cette urgence sociale aigüe qu’engendre la crise sanitaire, c’est aussi une crise du logement. Il suffit d’écouter les habitants. Le confinement a été synonyme de souffrances accrues pour toutes et celles et ceux qui sont mal logés, enfermés dans un logement exigu, insalubre. Le problème du logement est aussi et surtout économique. Le ralentissement de l’activité économique,  le chômage partiel et l’aggravation de la précarité, se traduisent pour beaucoup d’habitants par des difficultés pour s’acquitter de leur loyer. Les locataires, privés de leur revenu, confrontés au choix impossible, inhumain, de nourrir leur famille ou de payer leur loyer, ne peuvent tout simplement pas faire face. Elguessir, plombier âgé de 38 ans, habitant d’Aubervilliers dont le témoignage a été recueilli par l’Alliance citoyenne le disait mieux que quiconque : « je préfère nourrir ma famille que payer mon loyer d’avril. Ce n’est pas dans mes habitudes, je n’aime pas ça mais avec une perte de 400 euros de mes revenus, il faut bien faire un choix ». Les difficultés des individus se répercutent sur les bailleurs, en particulier dans le logement social. De nombreux offices HLM du département font face à une vague de loyers impayés : 10 à 20% des loyers au moins. Leur situation financière déjà fragile se trouve encore aggravée. L’Office Public d’Aubervilliers a ainsi risqué de se trouver à court de trésorerie à l’automne prochain. Les individus comme les institutions sont au bord du gouffre.

La crise actuelle aggrave des blessures anciennes, là où le logement est depuis des années une urgence

Si la crise actuelle frappe si violence Aubervilliers et la Seine-Saint-Denis, c’est qu’elle rouvre des blessures très anciennes. Les conversations que j’ai eues avec les habitants m’ont conforté dans le constat que je fais depuis le début de mon mandat : le logement est une urgence des plus brulantes. Presque la moitié des habitants qui me sollicitent à l’occasion de mes permanences parlementaires le font pour un problème de logement. Difficulté d’accéder au logement social, coût du loyer ou des charges, passoires thermiques, logements insalubres ou suroccupés, marchands de sommeil : autant de souffrances quotidiennes qui accablent les albertivillariens comme tous les séquanodyonisiens. Ce sont ces récits que j’ai recueillis encore une fois de la part des locataires. Une habitante me racontait ainsi comment elle se ruine littéralement, dépensant les trois quarts de son modeste salaire pour payer son loyer et les charges liées au chauffage en hiver, alors que son logement, mal isolé, n’est même pas bien chauffé.

La situation est connue de tous, mais Macron ignore les souffrances de la population et les alertes des élus

Cette situation qui perdure depuis des années est connue de tous, chiffrée au niveau départemental : plus de 6 000 ménages reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable, et 110 000 demandes de logement social sont encore en attente d’une solution ; la Seine–Saint-Denis est le département d’Île-de-France qui compte le plus de logements insalubres. Ce scandale dure depuis des décennies, et malgré les luttes des habitants, les alertes des élus d’opposition dont je suis, le gouvernement reste sourd. Macron n’agit pas – là où il faudrait une politique de construction énergique de logements réellement sociaux et répondant aux critères écologiques, ou encore un vaste plan de rénovation thermique, comme le proposait le programme de Jean-Luc Mélenchon en 2017. Pire, la politique de Macron aggrave la situation – que l’on se souvienne de la baisse des APL ou de la désastreuse loi ELAN, qui met à mal le secteur du logement social.

Devant l’urgence, Macron et son gouvernement ne font rien et refusent d’entendre nos propositions.

Indifférents depuis des années à cette crise du logement, Macron et son gouvernement n’ont pas changé d’attitude depuis le début de la crise au mois de mars. Malgré nos alertes, ils n’ont rien fait : c’est le journal Le Monde lui-même – pourtant d’une complaisance sans faille avec le président –  qui le dit ! Là où des pays voisins ont suspendu les loyers pendant la crise, ont créé des fonds d’urgence pour soutenir les locataires en France, Macron n’a rien fait. Toutes les associations le disent : les mesures prises par le gouvernement sont très insuffisantes, et bien en deça de ce que la France aurait les moyens de faire. « Prenons exemple sur nos voisins européens, en Allemagne, en Espagne et au Portugal, où des collectivités ont décidé de suspendre le paiement des loyers, instaurons un moratoire des loyers voire une année blanche pour les expulsions ! » souligne Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au Logement (DAL). Ce sont les mesures que j’ai proposées, avec le groupe parlementaire de La France insoumise : que l’Etat décrète un moratoire des loyers ; qu’il apporte une aide financière conséquente aux bailleurs sociaux en difficultés, pour compenser les loyers impayés. Nous avons déposé une proposition de loi dans ce sens. J’ai écrit au ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie. Sans réponse. Pour Macron et les siens, tout va bien.

Face à un pouvoir sourd, les locataires se mobilisent

Face à un pouvoir reste sourd à l’urgence sociale, le peuple, lui reste solidaire et se mobilise pour exiger la justice et le respect de ses droits. Partout, les associations et collectifs de locataires s’investissent dans l’entraide, interpellent l’État, les municipalités, et les bailleurs pour défendre la cause de ceux qui ne peuvent plus payer leurs loyers. A Bagnolet par exemple, des locataires se sont mis en grève des loyers, face à une précarité tout simplement insupportable.Dans ma circonscription, à Aubervilliers, l’Alliance Citoyenne, la CGL et l’association Bonjour Voisins ont interpelé l’Office Public de l’Habitat (OPH), premier bailleur social de la ville avec plus de 8000 logements et de 23 000 personnes logées. Ils réclament un moratoire sur les loyers, voire une annulation partielle, qui soulageraient les locataires en difficulté. Le bailleur ainsi que la municipalité pourraient également mettre en place une grande campagne d’information et d’accès au droit, avec que chaque habitant soit informé des aides dont il peut bénéficier.

Soutenir et relayer la mobilisation populaire : le devoir d’un élu

Quel plus grand devoir pour un élu que de soutenir cette mobilisation populaire ? C’est ce que je m’efforce de faire – c’était le sens de ma rencontre avec des associations ce jeudi. Au niveau national, – à travers la proposition de loi instaurant un moratoire des loyers défendue par le groupe La France insoumise. Au niveau local aussi, bien que mon mandat de député ne me donne pas de pouvoir décisionnel, je m’efforce de relayer les luttes des habitants. Me faisant écho aux demandes des locataires, j’avais ainsi interpelé l’OPH d’Aubervilliers pour demander qu’il suspende sur les loyers des personnes en difficulté. Nous avons ainsi obtenu la mise en place d’une commission qui examinera au cas par cas la situation des habitants concernés afin de leur proposer une solution adéquate. Je suivrai sa mise en place avec vigilance. Dans l’immédiat, il faut que chaque locataire soit informé des aides déjà existantes comme le Fond de solidarité pour le logement (FSL) ou les chèques multi-services. C’est pourquoi j’ai appuyé la demande des associations qui souhaitent  qu’une campagne d’information massive soit mise en place par la municipalité d’Aubervilliers. Celle-ci s’est engagée en ce sens. Ce sont autant de pas en avant. Mais il ne faut pas relâcher notre pression : Les dispositifs d’aide restent difficilement accessibles, et les délais inadaptés à l’urgence sociale. C’est pourquoi je me suis engagé à appuyer la démarche des locataires auprès du département de la Seine Saint Denis, gestionnaire du FSL. Plus avant,  sans aide de l’État, l’OPH, déjà en situation difficile, ne peut financer une suspension ou une annulation globale : c’est pourquoi je suis intervenu auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis pour que des fonds que l’OPH attendait de longue date puissent être débloqués et ai demandé au ministre du logement qu’il alloue les fonds supplémentaires nécessaires à couvrir une suspension voire une annulation des loyers impayés. Des batailles essentielles restent encore à mener pour parer à l’urgence sociale et garantir la justice et l’égalité. Je m’engage à les mener aux côtés des habitants.